Ramgavar et
SD Hentchak
Une occasion manquée
par Varoujan Sirapian
Aucune élection n’est jouée d’avance et les
dernières élections présidentielles du 18 février en Arménie ne dérogent pas à
cette règle. Certes le sortant a été réélu avec 58% des voix, mais de l’aveu même
du parti au pouvoir (Parti Républicain) le score du challenger Raffi Hovhanissian
a surpris plus d’un.
Nous n’allons pas rentrer ici dans les polémiques pour
savoir si la fraude (puisqu’il y en a eu, contrairement aux déclarations des
instances internationales) a empêché le challenger de gagner ou tout au moins
provoquer un deuxième tour, une première en Arménie, ouvrant la voie à une
adhésion massive de la population sur le nom de Raffi Hovhanissian. Ni de sa
capacité de pouvoir diriger le pays ou pas. Le système est tellement pourri, sous
les apparences d’une modernité trompeuse, que rien ne pourra être pire que la
situation actuelle. Les dirigeants actuels se tiennent sur une plume flottante dans
un marécage. Ils vacillent, mais se disent : « tout va bien jusqu’ici ».
Nous allons plutôt étudier l’attitude des trois
partis « historiques » ; Ramgavar-Azadagan, SD Hentchak et la
FRA Dashnagsoutioun face à cette élection.
Il est normal que chaque organisation politique aspire
au pouvoir pour ensuite appliquer son programme. Soit le parti est suffisamment
fort (ou l’estime l’être) pour « jouer » seul, soit il « colle »
à un parti d’opposition plus fort que lui, comme les petits poissons au dos d’un
requin.
Depuis des années, les Ramgavars et SD Hentchak
sont inaudibles en Arménie. Aujourd’hui, politiquement parlant, ils ne
représentent rien ou presque, puisqu’ils n’ont pas de « réservoir de voix »
suffisant pour peser sur l’échiquier politique. Autrement dit ils ne peuvent
rien attendre du pouvoir en place – puisqu’il n’a pas besoin d’eux – et ne
peuvent espérer de coller à un autre Parti d’abord pour la même raison citée
plus haut et ensuite de peur qu’ils perdent leur « couleur politique », où
ce qu’il en reste à part peut être des drapeaux pour décorer le fond d’une scène
lors d’une cérémonie désuète avec la sempiternelle évocation des héros (ou alternativement
victimes) d’un passé glorieux.
Alors on comprend moins la servitude de ces deux
partis et l’enthousiasme qu'ils ont mis dans « le service avant et après
vente » de ces élections. Des communiqués de soutien au président sortant
avant les élections et un empressement pour le féliciter après. Alors que le
peuple gronde, alors que c’était la dernière chance de voir changer ce régime
oligarchique qui étouffe le pays depuis 20 ans, alors que les Arméniens souffrent,
ces deux partis qui n’avaient rien à attendre du pouvoir auraient dû se mettre au
côté du peuple, surtout pour les Ramgavars dont le slogan est « Pour la
Patrie, avec la Patrie ». Les Tchobanian et Tekeyan doivent se retourner
dans leurs tombes. Au lieu de cela, avec une posture de servitude, ces deux partis
ont perdu le peu de crédit qu’ils avaient auprès des gens. Notamment les
Ramgavars qui espèrent (à notre avis en vain) récolter quelques sièges, en
guise de miettes, lors des prochaines élections municipales. Servitude sans
contrepartie réelle ; en somme ils ont perdu et la guerre et l’honneur.
Une absurdité et surtout une faute politique.
Finalement, parmi les trois partis traditionnels, c’est
la FRA-Dashnagtsoutioun, qui semble avoir pris la bonne décision, en se
ralliant à Raffi Hovhanissian, tirant ainsi les marrons du feu. Même si on
considère que c’est une démarche opportuniste pour cette organisation appelée
souvent par ces détracteurs « parti caméléon », même si ce ralliement
est tardif, même s’ils ne pouvaient pas faire autrement, même si leur poids
électoral ne dépasse pas les 10% environ, ils apparaissent aujourd’hui aux yeux,
au moins une partie, de la population comme une force politique en faveur d’un changement
plus qu’urgent. Et si demain un renouvellement intervenait, ils auraient, naturellement,
leur part de responsabilité dans le nouveau gouvernement.
Et les deux partis fantomatiques, Ramgavar et Hentchak,
sans une pensée politique lisible, ni un chef charismatique visible, regarderont
les seigneurs quitter le navire, et resteront hébétés sur les quais, à la marge
de cette nouvelle société arménienne qui commencera à marcher vers une vraie démocratie.
Quel gâchis !
Varoujan Sirapian
Directeur de la revue Europe&Orient
Erevan, 10 mars 2013
voir aussi :
l'article de Denis Donikian
http://denisdonikian.wordpress.com/2013/03/05/elections-ou-la-tactique-du-chaos/
la lettre de Sèda Mavian
http://institut-tchobanian.blogspot.com/2013/03/lettre-de-seda-mavian.html
http://institut-tchobanian.blogspot.com/2013/03/lettre-de-seda-mavian.html