samedi 9 mars 2013

Une occasion manquée


Ramgavar et SD Hentchak
Une occasion manquée


 
par Varoujan Sirapian

 

Aucune élection n’est jouée d’avance et les dernières élections présidentielles du 18 février en Arménie ne dérogent pas à cette règle. Certes le sortant a été réélu avec 58% des voix, mais de l’aveu même du parti au pouvoir (Parti Républicain) le score du challenger Raffi Hovhanissian a surpris plus d’un.

Nous n’allons pas rentrer ici dans les polémiques pour savoir si la fraude (puisqu’il y en a eu, contrairement aux déclarations des instances internationales) a empêché le challenger de gagner ou tout au moins provoquer un deuxième tour, une première en Arménie, ouvrant la voie à une adhésion massive de la population sur le nom de Raffi Hovhanissian. Ni de sa capacité de pouvoir diriger le pays ou pas. Le système est tellement pourri, sous les apparences d’une modernité trompeuse, que rien ne pourra être pire que la situation actuelle. Les dirigeants actuels se tiennent sur une plume flottante dans un marécage. Ils vacillent, mais se disent : « tout va bien jusqu’ici ».

Nous allons plutôt étudier l’attitude des trois partis « historiques » ; Ramgavar-Azadagan, SD Hentchak et la FRA Dashnagsoutioun face à cette élection.

Il est normal que chaque organisation politique aspire au pouvoir pour ensuite appliquer son programme. Soit le parti est suffisamment fort (ou l’estime l’être) pour « jouer » seul, soit il « colle » à un parti d’opposition plus fort que lui, comme les petits poissons au dos d’un requin.

Depuis des années, les Ramgavars et SD Hentchak sont inaudibles en Arménie. Aujourd’hui, politiquement parlant, ils ne représentent rien ou presque, puisqu’ils n’ont pas de « réservoir de voix » suffisant pour peser sur l’échiquier politique. Autrement dit ils ne peuvent rien attendre du pouvoir en place – puisqu’il n’a pas besoin d’eux – et ne peuvent espérer de coller à un autre Parti d’abord pour la même raison citée plus haut et ensuite de peur qu’ils perdent leur « couleur politique », où ce qu’il en reste à part peut être des drapeaux pour décorer le fond d’une scène lors d’une cérémonie désuète avec la sempiternelle évocation des héros (ou alternativement victimes) d’un passé glorieux.

Alors on comprend moins la servitude de ces deux partis et l’enthousiasme qu'ils ont mis dans « le service avant et après vente » de ces élections. Des communiqués de soutien au président sortant avant les élections et un empressement pour le féliciter après. Alors que le peuple gronde, alors que c’était la dernière chance de voir changer ce régime oligarchique qui étouffe le pays depuis 20 ans, alors que les Arméniens souffrent, ces deux partis qui n’avaient rien à attendre du pouvoir auraient dû se mettre au côté du peuple, surtout pour les Ramgavars dont le slogan est « Pour la Patrie, avec la Patrie ». Les Tchobanian et Tekeyan doivent se retourner dans leurs tombes. Au lieu de cela, avec une posture de servitude, ces deux partis ont perdu le peu de crédit qu’ils avaient auprès des gens. Notamment les Ramgavars qui espèrent (à notre avis en vain) récolter quelques sièges, en guise de miettes, lors des prochaines élections municipales. Servitude sans contrepartie réelle ; en somme ils ont perdu et la guerre et l’honneur. Une absurdité et surtout une faute politique.

Finalement, parmi les trois partis traditionnels, c’est la FRA-Dashnagtsoutioun, qui semble avoir pris la bonne décision, en se ralliant à Raffi Hovhanissian, tirant ainsi les marrons du feu. Même si on considère que c’est une démarche opportuniste pour cette organisation appelée souvent par ces détracteurs « parti caméléon », même si ce ralliement est tardif, même s’ils ne pouvaient pas faire autrement, même si leur poids électoral ne dépasse pas les 10% environ, ils apparaissent aujourd’hui aux yeux, au moins une partie, de la population comme une force politique en faveur d’un changement plus qu’urgent. Et si demain un renouvellement intervenait, ils auraient, naturellement, leur part de responsabilité dans le nouveau gouvernement.

Et les deux partis fantomatiques, Ramgavar et Hentchak, sans une pensée politique lisible, ni un chef charismatique visible, regarderont les seigneurs quitter le navire, et resteront hébétés sur les quais, à la marge de cette nouvelle société arménienne qui commencera à marcher vers une vraie démocratie.

Quel gâchis !


Varoujan Sirapian
Directeur de la revue Europe&Orient
Erevan, 10 mars 2013



voir aussi : 

l'article de Denis Donikian
http://denisdonikian.wordpress.com/2013/03/05/elections-ou-la-tactique-du-chaos/ 

la lettre de Sèda Mavian
http://institut-tchobanian.blogspot.com/2013/03/lettre-de-seda-mavian.html