samedi 20 octobre 2012

L'aéroport de Stepanakert

L'aéroport de Stepanakert prêt à prendre son envol...

AeroportL'aéroport civil de Stepanakert, dont la construction s'est achevée en 2011, est maintenant opérationnel et prêt à accueillir des vols commerciaux. Il a en effet obtenu sa certification en bonne et due forme début octobre. La mise en activité de cet aéroport contribuera à compléter le désenclavement du Haut Karabagh, et l'on mettra moins d'une heure pour se rendre de Stepanakert à Erevan par la voie des airs. Même l'Azerbaïdjan, qui avait pourtant menacé de s'en prendre aux avions, même civils, semble s'être résigné à voir fonctionner cet aéroport. 

Vingt ans après la fermeture de l'aéroport de Stepanakert, pour cause de guerre avec l'Azerbaïdjan, les avions de ligne pourraient très prochainement assurer de nouveau la liaison entre la capitale du Haut Karabagh et Erevan. Situé à une dizaine de km de Stepanakert, un aéroport civil flambant neuf, qui a effacé tous les stigmates de la guerre, est désormais prêt à accueillir les passagers des vols commerciaux devant desservir la seule capitale de l'Arménie, dans un premier temps. La construction de cet édifice polychrome dont la structure, associant le béton et le verre fumé, n'est pas sans évoquer les ailes déployées d'un oiseau, ou plutôt d'un avion, est achevée depuis quelques mois, mais les avions étaient encore cloués au sol en raison d'obstacles techniques et aussi politiques.

Si l'Arménie a fortement encouragé la renaissance de cet aéroport civil, comme en témoignait la visite inaugurale du président arménien Serge Sarkissian en septembre 2011, l'Azerbaïdjan s'y est montré résolument hostile, allant jusqu'à menacer d'abattre tout avion, même civil, qui utiliserait un aéroport qu'il considère comme illégal, au même titre d'ailleurs que les autorités du Karabagh sur lequel Bakou revendique toujours la souveraineté. La communauté internationale, tout en dénonçant les menaces azéries, se montrait réservée quant à la mise en œuvre d'un projet qui semblait avoir peu de chances d'aboutir. Mais cet aéroport de taille modeste, s'il ressemble à un jeu de lego, n'a rien d'un jouet satisfaisant quelque caprice ou envie de prestige des autorités du Karabagh, mais répond à une exigence bien réelle de désenclavement du territoire ; il a vocation a accueillir des avions et des passagers bien réels, sur ses pistes et son terminal obéissant aux normes les plus modernes, et rien ne s'y oppose plus apparemment depuis le 1er octobre. Il a passé en effet avec succès le 28 septembre la procédure de certification, et est prêt à accueillir des vols commerciaux, a annoncé le chef du Département général de l'aviation civile de la République du Haut Karabagh (RHK DGAC), Dimitri (Valery) Adbachian, en précisant qu' « une commission du Département de l'aviation civile d'Arménie a effectué une série de contrôles pour décider de la conformité de l'aéroport de Stepanakert avec les critères fixés par l'Organisation internationale de l'aviation civile (OIAC) ».

La menace de tirs azéris semble s'être éloignée du ciel du Karabagh depuis que les médiateurs du Groupe de Minsk de l'OSCE, dans le cadre de leur tournée du 10 au 13 juin dans la zone du conflit, ont obtenu des autorités de Bakou que les avions civils utilisant cet aéroport ne seraient pas la cible de l'armée azérie. Mais toute menace n'est pas écartée, l'Azerbaïdjan estimant que de tels vols constitueraient autant de violations de son espace aérien, auxquelles il serait en droit de riposter, par des moyens technologiques si ce n'est par les armes, en brouillant par exemple les systèmes de guidage. Les responsables de l'aviation civile du Haut Karabagh ne s'en inquiètent guère, et affirment que l'aéroport de Stepanakert est prêt à parer aux menaces bien réelles de brouillage des systèmes d'aiguillage électroniques. Concernant ces menaces, ouvertement évoquées par les media de Bakou, M. Adbachian veut bien croire que l'Azerbaïdjan, pays membre de l'OIAC, ne se livrera pas à de tels agissements, qui sont considérés comme des « ingérences illégales dans le fonctionnement de l'aviation civile » par le traité international dont il est signataire. Il a par ailleurs précisé que les codes par lesquels se signalent les avions commerciaux ne permettent aucune confusion et mettent ces avions de ligne à l'abri de tirs éventuels visant des objectifs militaires. M. Adbachian n'a toutefois pas indiqué quand serait lancé le vol inaugural assuré par la compagnie nationale Artsakh Air, créée le 26 janvier 2011, mettant en avant les quelques questions logistiques qu'il fallait régler d'ici là. Seule certitude : l'aéroport de Stepanakert, et les 35 personnes qui y travaillent, sont prêts à prendre leur envol et à accueillir les passagers, au rythme de 200 par heure en vitesse de croisière. Il y a quelques années, la réfection de la route entre Stepanakert et Erevan avait déjà considérablement réduit la durée du trajet, que l'on peut effectuer désormais en 5 heures ; avec l'ouverture de l'aéroport, la capitale du Haut Karabagh sera à moins d'une heure de Erevan...


source : http://www.haut-karabagh.com/newsletter/2012-10-11/251/

vendredi 19 octobre 2012

La vérité vous libèrera


Lettre ouverte de l'Institut Tchobanian à 

deux ministres de la République Française.

 


Signalé par l'un des correspondants de l'Institut Tchobanian : hier dans l'édition électronique du Monde un reportage éclairant de Lewis Roth  intitulé "Dans le djebel turkmène les barils venus du ciel sèment la mort" (http://www.lemonde.fr/international/article/2012/10/16/dans-le-djebel-turkmene-la-mort-vient-du-ciel_1776054_3210.html)
des propos macabres sur les Arméniens ont été tenus  par des combattants syriens appartenant a l'ethnie turcomane.




Messieurs les ministres des Affaires Étrangères et de la Défense.


Commentaires sur l’article du journal Le Monde « Dans le djebel turkmène, les barils venus du ciel sèment la mort ».


La vérité vous libèrera


L’alliée turque de la France veut en terminer avec les restes des Arméniens sauvés du génocide de 1915, par les Syriens. Les Turcs les avaient emmenés, en 1915, dans des marches de la mort dans le désert de ce pays. Là, un reste d’entre eux fut sauvé par la population syrienne qui les a accueillis, protégés, nourris et même a élevé leurs bébés sans mères, car massacrées par les soldats ottomans après qu’ils les eussent violées.
Ces bébés ont eu de la chance, car les soldats ottomans prenaient plaisir à égorger les enfants devant leurs mamans et même à tuer les mères enceintes en leur ouvrant le ventre pour détruire le fœtus. Certains, en France, attribuent cette cruauté à l’islam, mais c’est complètement faux ; cela n’a rien avoir avec la religion mais avec la culture et les dirigeants.

Car, si ces Turcs étaient musulmans, les Syriens qui avaient accueillis les fuyards arméniens l’étaient aussi. Même que les familles qui avaient sauvé, nourri et élevé les bébés orphelins, leur faisaient savoir quand ils atteignaient l’âge de raison qu’ils étaient Arméniens et chrétiens pour leur permettre de retrouver leur communauté et leur religion. Ce qui est le contraire en Turquie encore aujourd’hui, ou beaucoup de restes des Arméniens n’osent pas avouer leurs origines, tandis que les Dönmeh sont des israélites qui sont musulmans de jour et juifs la nuit, car la ‘démocratie’ à la turque ne leur permet pas la liberté de croyance.

Pourquoi rappelons-nous tout cela aujourd’hui ? Parce que le journal Le Monde nous propose un conte de fées sur les « bons » révoltés turkmènes, qui menacent les « mauvais frères » arméniens et alaouites du village de Burj Al Kassab qu’ils seraient « forcés » de les massacrer s’ils résistaient...

Je ne sais pas quelle politique et quelle stratégie appliquent la France, l’OTAN et leurs media. Mais, de grâce, arrêtez l’hypocrisie de prétendre que vous appuyez les « bons » Turcs, djihadistes, Frères Musulmans, salafistes, Al Qaeda contre le « méchant » gouvernement syrien, lequel, malgré tous ses défauts, est beaucoup moins dictatorial que vos alliés wahhabites, Frères Musulmans, AKP, Al Qaeda et j’en passe. Il traite au moins ses citoyens de la même manière et leur accorde la principale liberté, celle de la croyance.

Si ce chef turkmène croit vraiment que les Arméniens, après leur génocide, vont se livrer entre ses mains, votre journaliste est-il assez ignorant pour le croire ?

Et vous, le croyez-vous, messieurs les ministres ?
Je pense que non. Mais vous pensez peut-être que c’est l’intérêt de la France de poursuivre une politique d’appui à la Turquie et aux principautés wahhabites du Golfe pour des raisons économiques et pétrolières.

Pourquoi donc ne dites-vous pas la vérité à vos électeurs et lecteurs, à moins que vous n’ayez quelque chose à leur cacher ?

Roger Akl
Secrétaire général de l'Institut Tchobanian
www.tchobanian.org
19.10.2012

samedi 13 octobre 2012

2015 : quel rôle pour les médias arméniens ?

2015 : quel rôle pour les médias arméniens ?

Par Varoujan SIRAPIAN,
Président-fondateur de l’Institut Tchobanian (Paris)
Directeur de la revue « Europe & Orient »

Discours prononcé à Aghavnadzor (Arménie), le 5 octobre 2012



Chers amis,

Je vais essayer dans les dix minutes de mon temps de parole vous parler des actions de l’Institut Tchobanian en France depuis sa fondation en 2004, de ses publications et particulièrement de la revue géopolitique « Europe & Orient ».
Mais auparavant je voudrais essayer de clarifier la notion de « médias arméniens »

Les médias arméniens : quel rôle ?

Aujourd’hui les medias ont, plus que jamais, une place importante dans la guerre de l’information ou de désinformation.
Que faut-il comprendre par les « medias arméniens » ? Des supports papier ou électronique crées et gérés par des Arméniens ? Ou des journaux, revues, magazines ou livres ne traitant que des sujets concernant les Arméniens ? Ou encore des outils au service de(s) Think Tank pour faire de la propagande ou de contre-propagande ? Quelques exemples :

Les médias identifiés

Si on prend des médias en Turquie aussi bien ceux qui sont proches des militaires que ceux proche du pouvoir islamiste on peut parler globalement d’un « média turc » détenus par des capitaux turcs et qui façonnent l’opinion en Turquie. De l’autre côté nous avons des médias arméniens, clairement identifiés, comme Jamanak, Marmara ou Agos en Turquie, et une cinquantaine à travers le monde avec une audience relativement limitée.

Les médias tout public

Mais si on prend des médias « grand public » dans des pays occidentaux, pour ne donner que trois exemples : l’hebdomadaire « Times » aux États-Unis,  l’hebdomadaire « Le Nouvel Observateur » ou le quotidien « La Libération » en France, peut-on dire que ce sont des « médias juifs » ? Pourtant dans ces trois exemples, parmi une centaine, et qui ont une forte influence sur l’opinion publique, les capitaux sont détenus par des personnalités d’origine juive.

Médias militants

Dans le premier cas les médias étant clairement identifiés l’opinion exprimée est prévisible et s’adresse à un lectorat défini qui va chercher dans « son » journal, « les sujets qui l’intéressent » sur lesquels il a déjà son opinion. Ces médias ont peu d’influence sur le plan international et s’adressent plutôt à un lectorat interne.

Médias influenceurs (opinion maker)

Dans le deuxième cas 90 à 95% du contenu des médias seront des sujets grands publics sans grand intérêt. En revanche le message qu’on veut passer pour défendre une cause ou pour servir de relais pour un lobby ou encore pour déstabiliser une personne ou une institution sera dans les 5 à 10 %, noyé dans l’ensemble. Le lecteur aura ainsi le sentiment de recevoir une information « objectif » et sera d’autant plus convaincu que cela ne vient pas d’un défenseur identifié d’une cause, ou d’un militant, mais d’un spécialiste « neutre ». Nous pensons qu’aujourd’hui il manque aux Arméniens des medias grand public capable de passer des messages indirectes pour défendre notre cause ou déstabiliser l’adversaire. Nous avons des grands capitalistes dans les différents domaines du business mais pas dans la presse.

L’Institut Tchobanian

L’idée de l’Institut est née en avril 2004. Il a été fondée officiellement en octobre 2004 à l’occasion du 50ème anniversaire de la mort du grand patriote Archag Tchobanian mais aussi, et surtout, pour combattre la « conspiration du silence » des médias européen et particulièrement français sur le dossier turc, à l’occasion des négociations de l’entrée de la Turquie dans l’Union Européenne.
Pour arriver à cet objectif nous avons adopté la méthode utilisée par Archag Tchobanian. Nous sommes le premier « Think Tank » en France (et peut être en Europe) qui est sortie du ghetto arménien et qui s’est ouvert à d’autres nationalités pour mettre en place une direction et une équipe mixte, chacun apportant ses compétences. Notre communication est tournée presque exclusivement à des non arméniens. Parallèlement nous nous refusons de nous enfermer dans les limites de la Question arménienne. Chaque sujet qui peut servir la Cause arménienne nous intéresse. Déjà en 1994, nous étions seulement quelques amis en France pour prendre la défense de Ragip et Ayse Zarakolu qui avaient traduit et publié le livre d’Yves Ternon sur le génocide arménien sous le titre « Ermeni Tabusu ». Personne ne connaissait alors Ragip et sa femme et certains Arméniens disaient même à l’époque « ce n’est pas à nous de défendre un Turc ». Or les années suivants ont montré que nous avions raison et aujourd’hui Ragip Zarakolu fait partie des défenseurs de la cause arménienne et il est même honoré par les plus hautes autorités de l’Arménie et de la Diaspora.
Le comité de rédaction de l'Institut Tchobanian englobe plus de cinquante contributeurs (français, arméniens, russes, grecs, turcs, roumaines, italiens, allemands, juifs, anglais, américains,…) qui participent aux travaux de l’Institut Tchobanian et écrivent dans la revue « Europe&Orient », publiée deux fois par an.
L’Institut ne reçoit aucune subvention venant d’aucun Etat, ni de parti politique. Le budget est équilibré par des cotisations, dons, et aides logistiques de la part des membres, sympathisants et des entreprises privées.

L’objectif premier de l’Institut est culturel :

  • Faire connaître la richesse de la culture arménienne en France et la culture francophone en Arménie.
Nous poursuivons le chemin tracé par Archag Tchobanian, fondateur du mouvement arménophile en France au début du siècle dernier et qui a fait connaître la littérature arménienne et la musique de Komitas aux Français.

Les moyens

Dans cette optique nous publions par exemple des livres comme « Merveilles d’Arménie » ou « Mon ami Toumanian » pour donner de l’Arménie une image positive.
Parallèlement nous voulons apporter, à travers la francophonie, des nouvelles technologies en Arménie, particulièrement pour des jeunes professionnels, à travers des manifestations comme par exemple le Festival de la bande dessinée à Erevan, que nous avons lancé en 2008.  

L’objectif deuxième est politique :


  • La défense de la Cause arménienne.
Contrairement à certains, pour nous la Cause arménienne ne se limite pas à la reconnaissance du génocide arménien ni même aux réparations qui s’en suivraient. Nous définissons la Cause arménienne comme « La défense des intérêts de la nation arménienne » qui englobe, évidemment, aussi bien l’Arménie que la Diaspora.

  • Les questions géopolitiques
L’analyse des questions géopolitiques qui influencent directement ou indirectement la sécurité de le République d’Arménie et de l’Artsakh ainsi que la vie quotidienne des Arméniens en dehors de la République.

  • Un travail d’information et de pédagogie permanent auprès des décideurs occidentaux.
Des hommes politiques français et européen d’abord, mais aussi des journalistes, responsables d’ONG, défenseurs des Droits de l’Homme.

  • Mettre en avant les fautes de l’adversaire
Dans cette démarche, parallèlement aux travaux des médias arméniens, nous pensons que la République d’Arménie aussi doit profiter des occasions pour élever sa voix et multiplier les protestations contre la Turquie et l’Azerbaidjan, sur le plan international. De ce point de vue la faiblesse des réactions et l’aphonie des officiels de la République d’Arménie à l’extérieur est une faute politique et ne facilite pas la tâche des défenseurs de la cause. Je pense à des exemples récents comme celui du sabotage par l’Azerbaidjan d’une exposition de Khatchkar à l’Unesco à Paris en juin 2011 et plus près de nous dans l’affaire Safarov.   

Les moyens

Des mécanismes ont été mis en place pour atteindre ces objectifs :

  • La revue Europe & Orient
Le numéro zéro de cette série était un livre blanc intitulé « Europe-Turquie : un enjeu décisif ». Présenté à l’occasion du lancement de l’Institut Tchobanian dans une salle du Parlement français en présence de plusieurs élus, il a été tiré à 2500 exemplaires dont 1600 ont été distribués gratuitement aux députés et sénateurs français ainsi qu’aux députés européens. Cet ouvrage est devenu une référence dans les milieux universitaires français et souvent cités dans d’autres travaux.
La revue bilingue français –anglais, Europe&Orient a été lancée début 2005 dont le 15e numéro sortira en décembre 2012. E&O est référencée dans les bibliothèques des écoles science politiques de France et de l’Université Libre de Bruxelles. Elle est distribuée aux abonnés, vendue sur Amazon et d’autres sites spécialisés et envoyé à environ 70 parlementaires français et européen qui en ont fait la demande ainsi qu’à quatre ministères.

  • Des livres d’essais
Une dizaine d’ouvrages politique, géopolitique et d’essais ont été financés ou co-financés par l’Institut Tchobanian, parmi lesquels « Les différends arméno-turcs » de Gérard Guerguerian, « La Pensée stratégique russe » de Jean Géronimo, « Cri des chrétiens d’Orient, de Roger Akl, « Les Alévis de Turquie » d’Erwan Kerivel, « Europe in Uncle Sam’s Pitfall » d’Isabel Ruck, « La communauté arménienne d’Istanbul, de 1920 à nos jours » de Ruben Melkonyan, « The Armenian Military in the Byzantine Empire » d’Armen Ayvazyan, « La Turquie le Putsch Permanent », d’Erol Özkoray…

  • Participation aux programmes de TV et de Radio et colloques
Participations à des émissions sur différentes radios et chaines de TV (en France, en Belgique et en Arménie), organisation des colloques par IT ou participation à des colloques organisés par d’autres ONG en France et en Belgique…

 

Conclusion

Pour conclure nous pensons que dans une démarche pour la défense de la Cause arménienne une confrontation directe avec l’Etat turc et avec le lobby turc est inefficace, qui n’a apporté aucun résultat tangible depuis des décennies et nous semble être vouée l’échec dans les années à venir puisque le temps et surtout la démographie travail contre nous. Ce n’est pas en brûlant quelques drapeaux et criant des slogans hostiles aux Turcs dans les rues qu’on obtiendra des résultats.
Il faudra changer d’abord de stratégie et aussi de tactique pour confronter un adversaire plus nombreux, plus riche et diplomatiquement plus habile. 

Le lobby turc

Prenons le dernier exemple du lobby turc en France et essayons de tirer les leçons. Je parle de l’Institut du Bosphore, crée en 2009 à Paris, que nous avons étudié longuement dans le dernier numéro de Europe&Orient « La guerre des mémoires ». C’est cette organisation qui a œuvré pour faire annuler la loi sanctionnant la négation du génocide arménien. Quand nous étudions la structure de cette organisation on trouve des étranges similitudes avec les méthodes de notre Institut sauf que les moyens humaines et financier de l’Institut du Bosphore sont centaines de fois plus important que le notre. Mais leur force ne réside pas seulement dans la puissance financière. C’est aussi dans le choix de ses membres et notamment du « comité scientifique », composé d’une centaine de personnes, moitié Turcs et moitié Français, parmi lesquels on trouve aussi biens des hommes politiques de gauche et de droite (des ministres, des députés,…) des journalistes, des professeurs, des intellectuels, des historiens, etc. Le but de l’Institut de Bosphore, largement financé par le patronat turc TÜSIAD, est de faire rentrer la Turquie dans l’Union européenne. C’est, d’abord, pour le business. Un seul but et beaucoup d’argent pour atteindre leur but, un lobbying commencé en 2004 à Bruxelles et à Paris, avec une date fixée au 2014 pour atteindre l’objectif. Pour cela ils exercent une double pression : d’une part sur les politiques européens et d’autre part sur les dirigeants turcs pour les pousser à faire des reformes. Nous avons démontré avec nos articles les liens entre ces gens, leur appartenances à des différents cercles et leur propagande pro-turc aussi bien au parlement que dans les médias. 
Donc chaque démarche de la part des défenseurs de la Cause arménienne qui peut ralentir voir anéantir leur objectif est une bataille de gagnée et alourdi "la facture".
Les lobby turcs en Europe, et notamment à Paris et à Bruxelles, essayent de montrer une image d’une Turquie républicaine, laïque et démocratique. Le rôle de l’Institut est de montrer la réalité : la Turquie est fasciste avec sa constitution de 1982, islamiste avec le pouvoir AKP et totalitaire avec le système de gouvernance guidé par le MGK (Conseil National de Sécurité). Ces démonstrations sont basées sur des travaux sérieux, allant aux sources mêmes des publications turques et montrant des exemples concrets pris dans la vie quotidienne, d’un nationalisme outrancier et même meurtrier. 

La reconnaissance du génocide a un coût, mais sa négation aussi...

Nous devons arriver à soulever la question dans la tête des dirigeants turcs : la reconnaissance du génocide et le respect des droits des minorités aboutira à une facture lourde à payer pour la Turquie, mais l’inverse aussi ! Il faudra leur montrer que la non-reconnaissance du génocide et le non respect des droits des minorités, à terme, leur coûtera plus cher ainsi qu’à leur partenaire occidentaux. 
Dans cette démarche les médias arméniens qui s’occupent de ces questions ont bien évidemment leur rôle à jouer.

vendredi 5 octobre 2012

Syrie… Entre la bataille d’Alep et la déstabilisation turque


Syrie… Entre la bataille d’Alep et la déstabilisation turque

Léon Camus
jeudi 4 octobre 2012
source : http://www.geopolintel.fr/article534.html

Jeudi 27, Vladimir Poutine tançait à la télévision russe les Occidentaux pour avoir « semé le chaos en Syrie et n’être plus en mesure de l’arrêter  » ! [Afp]. Oui en effet, en dépit des coups de boutoirs, des opérations coups de poings, des commandos qui frappent et qui s’égaillent aussitôt leur forfait accompli, le régime se maintient… contre vents et marées. À telle enseigne que les états-majors politiques, admettent navrés que rien de décisif ne devraient intervenir dans les douze mois à venir : pas de changement de régime en vue. Seul un attentat décimant les caciques du régime de Damas et le clan de Bachar et Assad pourrait changer la donne. Le double attentat à la voiture machine infernale, le 26 septembre contre le quartier général de l’armée à Damas, puis les combats qui s’ensuivirent à l’intérieur des bâtiments, s’inscrivent dans cette option de dernier recours, l’assassinat politique. L’idéal serait, de ce point de vue, de parvenir à abattre Bachar el-Assad lui-même ! Voilà quelle est la seule carte qu’il reste à jouent aux stratèges de la terreur, l’élimination physique des dirigeants syriens, surtout les têtes du « clan » Assad puisque que la tentative de « libérer » Alep semble désormais tourner à l‘eau de boudin !
La Bataille d’Alep
Jeudi 27, Abou Fourat, officier déserteur responsable de la brigade islamiste al-Tawhid, la plus médiatisée des unités rebelles d’Alep, annonçait une offensive générale contre les positions de l’armée : « Ce soir, soit Alep sera à nous, soit nous serons défaits » [InfoSyrie 29 sept. 2012]. Ce 2 octobre, non seulement Alep n’est pas tombée malgré un soutien extérieur massif 1, mais du bazar – inscrit par l’Unesco au patrimoine mondial de l’humanité – il ne reste que cendres. Une défaite qui s’est traduite par « l’incendie des commerces de la Vieille ville : des centaines de boutiques devenues la proie des flammes. Stratégie de la ville brûlée, déjà utilisée par quelques ultras de la Commune de Paris en 1871, et qui a une double motivation : freiner l’avance de l’armée, punir une ville qui s’est refusée à la Révolution ».
Un holocauste patrimonial à mettre au compte de ces libérateurs qui n’attendent pas d’être les maîtres du terrain - et du pouvoir central ! - pour commencer à persécuter les communautés chrétiennes. Un fanatisme islamisme fanatique qui « ne fait que s’exacerber dans l’adversité : le couvent franciscain Saint-Antoine de Padoue de Ghanassié a été attaqué et incendié par une bande dans la nuit de jeudi à vendredi. Quinze chrétiens du quartier de Soulaymanieh - au centre d’Alep - auraient été enlevés puis abattus par les rebelles… Toute cette journée du 27 septembre, ceux de l’Armée syrienne libre – ASL - ont pilonné au mortier les quartiers à majorité chrétienne de Souleymanieh, Azizieh et Midane qui les ont repoussés d’où ils avaient été chassés déjà les semaines précédentes » [Ibidem infosyrie.fr].
Chrétiens et Kurdes
Mais ce n’est pas uniquement dans le brasier d’Alep que les Chrétiens sont malmenés et meurtris. À Rome, Zenit, organe officieux du St Siège, reprenant l’agence vaticane Fides, titrait le 25 septembre « Syrie : dramatique rafle des chrétiens de Rableh - 280 personnes prises en otage »… « La rafle des chrétiens intéressant la zone du village de Rableh, situé à la frontière libanaise, dans l’ouest de la Syrie, se poursuit. Après la maxi prise d’otages du 24 septembre, qui a concerné 150 personnes, aujourd’hui, 25 septembre, 130 autres civils qui ont été arrêtés et enlevés dans la zone par des bandes armées dans le cadre d’une opération qui a créé au total un groupe de 280 otages »… On ignore le sort réservé à ces malheureux, mais, quasiment depuis le début des événements voici dix-huit mois, ce type d’exaction est régulièrement intervenu indiquant une « fâcheuse tendance » de la part de la guérilla à terroriser par la violence ceux qui ne basculent pas spontanément dans leur camp. En Algérie, lors de la « guerre d’indépendance », le FLN terrorisait – au sens littéral - de la même façon ses propres coreligionnaires pour les forcer à épouser la « bonne cause » !
Quant aux Kurdes, minorité non arabe de confession sunnite, à Alep entre autres, ils n’ont pas hésité à faire le coup de feu contre les groupes de francs-tireurs. Le quotidien La Croix publiait le 27 septembre le témoignage d’un étudiant kurde d’Alep, pourtant favorable à la « révolution » qui résumait assez bien la position de sa communauté : « Les Kurdes de Syrie n’aiment pas le régime syrien. Mais ils craignent encore plus l’arrivée au pouvoir des Frères musulmans, majoritaires dans les rangs des révolutionnaires. En février 1982, lors de la répression de l’insurrection des Frères musulmans contre le régime de Damas, dans la ville de Hama, les Kurdes étaient restés à l’écart. Les Frères ne l’ont pas oublié ». En clair, alors que Bachar al-Assad, ayant accordé la nationalité syrienne à 300 000 Kurdes sans nationalité au cours de l’été 2011, cette minorité forte de plus de deux millions d’âmes, ne veut en aucun cas que son territoire servent de base arrière et de point de départ pour une éventuelle offensive… comme ce fut le cas du Kurdistan irakien en 2003 qui constitua l’un des points de départ de l’assaut convergent lancé sur Bagdad. 2
Hollande souligne devant l’ONU « l’urgence » d’une action en Syrie et au Sahel
Observons que M. Hollande, le 24 sept. à la tribune de la soixante-septième session de l’Assemblée générale des Nations Unies, a placé la Syrie au premier rang de ses préoccupations et des urgences internationales, déclarant superbe, son intention de reconnaître le gouvernement de transition syrien aussitôt que constitué. Mais l’annonce n’était pas nouvelle : la position de Paris n’a pas varié d’un iota depuis le 27 août dernier [Afp] et la prétention de M. Hollande d’instaurer une « zone tampon » au nord de la Syrie. On voit à Alep que cela n’en prend guère le chemin.
Entre nous soit dit M. Hollande devrait plutôt s’intéresser en priorité au climat d’anomie – d’anarchie – qui se développe en France, et pire dans la « France profonde ». Son attention devrait à ce titre se concentrer davantage sur le démantèlement de ce qui restait de notre sidérurgie et sur la recrudescence inouïe de petits meurtres tranquilles qui émaillent aujourd’hui la vie de nos institutions scolaires… les lynchages à coup de marteaux, de pioches et de couteaux de deux jeunes gens à Échirolles dans l’Isère le 28 septembre n’en étant que la dernière, et visible, manifestation en date. Mais l’Élysée a d’autres chats à fouetter… « La France s’occupe de fournir aux rebelles syriens de l’argent et de l’artillerie pour le compte des États-Unis, qui ne veulent pas se salir les mains avant les élections présidentielles de novembre » [William Engdahl interrogé sur la chaîne Russia Today] !
Parce qu’il ne faudrait pas perdre de vue qu’en 18 mois de conflit et une trentaine de milliers de victimes – dont 8000 parmi les forces armées et de sécurité d’après le médecin général de l’hôpital militaire Tishrin à Damas. [Afp. 30 août] - aucun accord n’a été possible entre les différentes composantes de l’opposition dont les membres sont pour la plupart « extérieurs » à la communauté nationale syrienne depuis des décennies… ayant choisi l’exil et la « résistance » à Londres, Paris, Berlin ou Stockholm ! Rappelons à ce propos, que la tragédie syrienne est beaucoup moins une « guerre civile » qu’elle n’est mais une agression extérieure. À l’instar du Liban à partir de 1975, nous avons affaire à une guerre multinationale mettant aux prises des forces militarisées, financées, armées et entraînées par des puissances étrangères… Ici l’Arabie saoudite, le Qatar, les Émirats arabes unis avec l’appui logistique, l’encadrement et les armes – « non létales » affirme sans rire le Secrétaire d’État Hillary Clinton - des États-Unis, d’Israël, de la Turquie et, last but not least, de la France socialiste.
Une opposition donc, étrangère à sa terre natale et dans les profondes divisions reflètent les divergences de motivations géopolitiques des différents mentors et sponsors de ses composantes antagonistes… Turcs néo-ottomans soutenant les Frères musulmans en Syrie comme ils le font en Égypte et en Tunisie, tout en conservant un droit de regard sur la Libye voire le Yémen, mais rendus prudent par la question kurde…
Petite géopolitique turque du drame syrien
Le gouvernement turc du Parti pour la Justice et le Développement – AKP - sachant pertinemment que l’éclatement de la Syrie en entités géographiques ethno-confessionnelles pourrait entraîner – peut-être inéluctablement – la création d’un grand Kurdistan, lequel empiéterait nécessairement sur le territoire turc. Ce qu’Ankara n’a eu de cesse de combattre par le fer et par le feu depuis la proclamation de la République turque en 1923. 3 Notons que les Kurdes syriens – environ 8% des 22,5 millions de Syriens en 2011 – sont globalement neutres et, quoique le président du Conseil national syrien – qui a vu le jour le 1er oct. 2011 à Istanbul - soit l’un d’entre eux, Abdel Basset Sayda, exilé en Suède depuis 1994. Reste que cette présidence kurde toute symbolique n’a pas d’incidence notable sur une communauté qui entend demeurer extérieure aux événements en cours [voir supra].
De la même façon le gouvernement Erdogan doit prendre en compte le profond mécontentement des populations turques auxquelles sont imposées des camps de « réfugiés ». En fait des bases de transit avant de monter au front nord, Alep et sa région… que les forces djihadistes s’efforcent de « libérer » afin d’y établir une tête de pont en territoire syrien. L’incessante circulation d’hommes en armes exaspèrent les locaux dont les diverses communautés, sunnites, alaouites, chrétiennes vivent en bonne intelligence. Une crainte fondée de voir, comme au Liban maintenant, s’exporter un conflit qui bouleverserait un équilibre social jusqu’à ce jour bien établi 4. Ajoutons que les 400 000 alaouites de la région frontalière d‘Antakya multiplient les pressions sur Ankara afin d’écarter toute implication de la Turquie dans un conflit qui pourrait risquer de déborder au-delà des frontières syriennes.
En outre, le gouvernement turc ne peut pas ignorer la dimension Alévie - chiites également mais d’origine Turkmènes qui représentent 20% des 75 millions de Turcs - lesquels dans un contexte de confessionnalisation du conflit pourraient faire ressortir en Turquie même des antagonismes ancestraux et raviver des plaies encore purulentes : les deux communautés, Alévis turcs et Alaouites syriens, ethniquement distinctes, appartiennent cependant à deux communautés considérées de longue date comme des parias par les sunnites. De sorte qu’Alévis et Alaouites partagent un passé commun de persécution qui, le moment venu, pourrait les conduire à faire cause commune. On comprendra facilement que le gouvernement sunnite d’Ankara mesurera à l’aune de ce risque ses engagements dans le chaos syrien.
Les Alaouites le dos au mur ne peuvent plus reculer
Quant à ces persécutions, non seulement elles ne sont pas un mythe mais elles placent aujourd’hui deux millions d’Alaouites syriens le dos au mur, ce qui devrait les conduire à se battre jusqu’au bout… parce qu’ils se verront d’avance condamnés au retour de leur ancienne condition servile ! Ou pire, ils devront faire face aux pogroms et aux vengeances que ne manqueront pas d’exercer contre eux les takfiristes dépêchés en Syrie par les monarchies wahhabites, et plus encore les Frères Musulmans autrefois massacrés à Hama par le père de Bachar, Hafez el-Assad. Dix à vingt mille morts dit-on… ce qui avait néanmoins réglé pour un moment la question de l’islamisme et assuré la paix civile.
Pour mieux comprendre les dispositions mentales des Alaouites derrières lesquels s’alignent, bon gré, mal gré, les autres minorités, druze et chrétienne qui ont elles aussi tout a craindre de la vindicte islamiste. Pour ce faire, reportons-nous au propos d’Alain Chouet 5, ancien chef du service de renseignement de sécurité de la DGSE, un fin connaisseur déjà cité dans ces colonnes…
Bachar el-Assad « a derrière lui deux millions d’Alaouites encore plus résolus que lui à se battre pour leur survie et plusieurs millions de minoritaires qui ont tout à perdre d’une mainmise islamiste sur le pouvoir, seule évolution politique que l’Occident semble encourager et promouvoir dans la région.   Quand je suis allé pour la première fois en Syrie en 1966, le pays était encore politiquement dominé par sa majorité musulmane sunnite qui en détenait tous les leviers économiques et sociaux. Et les bourgeois sunnites achetaient encore – parfois par contrat notarié – des jeunes gens et de jeunes filles de la communauté alaouite dont ils faisaient de véritables esclaves à vie, manouvriers agricoles ou du bâtiment pour les garçons, bonnes à tout faire pour les filles.   Les Alaouites sont une communauté sociale et religieuse persécutée depuis plus de mille ans. Je vous en donne ici une description rapide et schématique qui ferait sans doute hurler les experts mais le temps nous manque pour en faire un exposé exhaustif.    Issus au Xe siècle aux frontières de l’empire arabe et de l’empire byzantin d’une lointaine scission du chiisme, ils pratiquent une sorte de syncrétisme mystique compliqué entre des éléments du chiisme, des éléments de panthéisme hellénistique, de mazdéisme persan et de christianisme byzantin. Ils se désignent eux mêmes sous le nom d’Alaouites – c’est à dire de partisans d’Ali, le gendre du prophète - quand ils veulent qu’on les prenne pour des Musulmans et sous le nom de Nosaïris – du nom de Ibn Nosaïr, le mystique chiite qui a fondé leur courant – quand ils veulent se distinguer des Musulmans. Et – de fait – ils sont aussi éloignés de l’Islam que peuvent l’être les chamanistes de Sibérie.   Et cela ne leur a pas porté bonheur... Pour toutes les religions monothéistes révélées, il n’y a pas pire crime que l’apostasie. Les Alaouites sont considérés par l’Islam sunnite comme les pires des apostats. Cela leur a valu au XIVe siècle une fatwa du jurisconsulte salafiste Ibn Taymiyya, l’ancêtre du wahhabisme actuel, prescrivant leur persécution systématique et leur génocide. Bien que Ibn Taymiyyah soit considéré comme un exégète non autorisé, sa fatwa n’a jamais été remise en cause et est toujours d’actualité, notamment chez les salafistes, les wahhabites et les Frères musulmans. Pourchassés et persécutés, les Alaouites ont dû se réfugier dans les montagnes côtières arides entre le Liban et l’actuelle Turquie tout en donnant à leurs croyances un côté hermétique et ésotérique, s’autorisant la dissimulation et le mensonge pour échapper à leurs tortionnaires.   Il leur a fallu attendre le milieu du XXe siècle pour prendre leur revanche. Soumis aux occupations militaires étrangères depuis des siècles, les bourgeois musulmans sunnites de Syrie ont commis l’erreur classique des parvenus lors de l’indépendance de leur pays en 1943. Considérant que le métier des armes était peu rémunérateur et que l’Institution militaire n’était qu’un médiocre instrument de promotion sociale, ils n’ont pas voulu y envoyer leurs fils. Résultat : ils ont laissé l’encadrement de l’armée de leur tout jeune pays aux pauvres, c’est-à-dire aux minorités : Chrétiens, Ismaéliens, Druzes, Chiites et surtout Alaouites. Et quand vous donnez le contrôle des armes aux pauvres et aux persécutés, vous prenez le risque à peu près certain qu’ils s’en servent pour voler les riches et se venger d’eux. C’est bien ce qui s’est produit en Syrie à partir des années soixante ».
Chacun aura compris à cette lecture dans quel pétrin la France s’est fourrée pour complaire servilement, et imbécilement, aux néoconservateurs de Washington, Londres, Tel-Aviv et Bruxelles siège de l’Otan… Supposons d’ailleurs que, sous le label usurpé de « socialistes », ce sont justement des néoconservateurs internationalistes et mondialistes qui dirigent les destinées de la France et de l’Europe… sans jamais consulter évidemment les peuples des États membre de l’Union européenne. Suivant en cela le principe énoncé par le plagiaire gauchard Alain Minc – condamnation du 28 nov. 2001 par le TGI de Paris - qui en avril 2005 voyait dans l’institution du référendum - à la veille de la consultation relative au Projet de Traité constitutionnel - une « vérole antidémocratique ». L’ex Garde des Sceaux Élisabeth Guigou, cet autre parangon de démocratisme social-libéral, lui fera écho en nov. 2008, cette fois à l’occasion d’une réunion de la Trilatérale à Paris : « Pour sauver l’Europe, il faut en finir avec les referendum qui sont un processus destructeur  ». À bon entendeur, salut !

Notes

(1) Soutien logistique destiné aux cinq autorités locales des « zones libérées » des provinces de Deïr al-Zor, d’Alep et d’Idlib selon l’Agence Reuters 5 sept. 2012.
(2) On peut voir à ce sujet un reportage à contre courant de la Radio Télévision Belge - RTBF – du 27 sept. 2012 tourné Antakya, ville qui abrite le QG de l’Armée syrienne libre. La séquence démarre sur le témoignage d’un membre connu de l’ASL d’origine syro-canadienne, qui avait déjà déclaré en août dernier à la BBC « avoir bénéficié d’une formation militaire dans un camp d’entraînement turc situé dans les environs d’Adana ». Autrement dit à proximité immédiate de l’une des plus importantes bases aériennes américaines Incirlik où se trouverait entreposé – disent les mauvaises langues – un nombre indéterminé de vecteur nucléaires de l’Otan. http://www.rtbf.be/info/media/video...
(3) Le Traité de Sèvres signé en août1920 entre les vainqueurs et la Sublime Porte démantèle l’Empire et accessoirement postulait la création d’un État kurde et d’une Arménie indépendante. Mais le sursaut national dirigé par Atatürk renverse la tendance. Le Traité de Lausanne le 24 juil. 1923 aux termes duquel l’Anatolie et la Thrace orientale sont rendues à la Turquie… 1 million 600 000 Grecs sont échangés contre 385 000 musulmans présents en Grèce. 300 000 Grecs du Pont-Euxin et Cilicie n’auront pas la chance d’être échangés et devront se convertir à l’islam et adopter langue turque. Les derniers Arméniens survivants sont expulsés. La République est proclamée le 29 octobre.
(4) « Le facteur religieux dans la politique syrienne de Recep Tayyip Erdogan depuis le soulèvement populaire contre le régime de Bachar el-Assad ». Bayram Balci - CERI-Sciences Po & Carnegie Endowment, Washington DC.
(5) Alain Chouet, « La syrie dans la tourmente de printemps arabes » IHEDN Nice le 27 juin 2012.

lundi 1 octobre 2012

Pourquoi la bataille d’Alep serait-elle décisive pour les terroristes ?

Pourquoi la bataille d’Alep serait-elle décisive pour les terroristes ?

De Amin Hoteit et Ahmed Farhat
 
C’est sur une surface d’à peine 18500 Km2 que la fine fleur des stratèges de tous bords s’est ruée, bardée de son équipement au complet et de son enthousiasme guerrier : l’Heure a sonné et c’est à Alep que tout va se jouer !
C’est à Alep, capitale économique et deuxième grande métropole syrienne que devrait s’infléchir le cours des événements de la campagne quasi universelle menée par les tambours de guerre occidentaux et régionaux contre la Syrie… C’est à Alep que leurs mercenaires devraient reprendre pied avant de se redéployer.
Pourquoi Alep et pour quelles raisons ? Le Docteur Amin Hoteit, expert en stratégie militaire et Général de brigade à la retraite, répond à nos questions lors d’une courte conversation téléphonique.
 
Les bandes armées qui sévissent en Syrie ont déclaré que la « Bataille d’Alep » serait décisive. Pourquoi Alep ? Pourquoi pas Damas… la capitale du pays ?
 
Depuis plus de 18 mois que les bandes terroristes sont lâchées sur la Syrie, elles n’ont pas réussi à prendre le contrôle définitif d’une seule région du pays en continuité avec les zones frontalières. Par conséquent, contrôler Alep constituerait un « saut qualitatif » vers la victoire, sinon le jeu est terminé ! C’est parce qu’elles n’ont pas pu prendre Damas, Homs et Idlib… qu’elles se sont dirigées vers le Nord pour faire main basse sur Alep et ainsi aboutir à une sorte de partition territoriale face aux autorités. Si Alep leur échappe, aucun autre territoire d’une telle importance, aucune autre ville syrienne ne pourrait désormais faire leur affaire !
 
Que veut la Turquie ?
 
Le gouvernement de Recep Tayyip Erdogan veut la victoire des bandes armées à Alep, ce qui lui permettrait de justifier leur accueil sur le territoire turc et surtout le soutien qu’il n’a cessé de leur prodiguer ; soutien devenu un lourd fardeau pour Ankara qui, après avoir largement contribué à allumer un incendie en Syrie, voit les flammes s’approcher dangereusement pour peut-être la dévorer à son tour. Ce gouvernement veut la victoire de sa guerre par mercenaires interposés, et seule cette victoire l’autoriserait à poursuivre sa politique…
D’ailleurs, avant même que les bandes armées n’annoncent leur intention de faire d’Alep leur bataille décisive, Ankara a rejoint Washington pour de multiples réunions de coordination au plus haut niveau des services de renseignement et de l’armée... De plus, c’est de l’issue de cette bataille que dépend l’avenir d’Erdogan qui a un urgent besoin de marquer des points ; d’une part, contre ses adversaires au sein même de son propre parti dont le Congrès est annoncé pour la semaine prochaine;
d’autre part, contre les partis de l’opposition et de nombreuses franges de la société turque dont les critiques contre sa politique étrangère fusent de toutes parts !
Sans oublier qu’en raison de sa situation stratégique et de sa proximité avec l'Anatolie, Alep a beaucoup compté sous domination ottomane. Elle était déjà la deuxième grande métropole de l’Empire après Constantinople [Istanbul], le premier centre de commerce entre l'est et l'ouest, et si les ambassades occidentales étaient basées à Istanbul, Alep a toujours été le siège des missions consulaires.
Sans oublier non plus que le « Traité de Sèvres », conclu le 10 Août 1920 entre les alliés et l’Empire ottoman, rattachant Alep et sa région à la Syrie, fut refusé par Mustafa Kemal Ataturk qui l’annexa tout comme il annexa l’Anatolie et l'Arménie ; traité finalement remplacé le 24 juillet 1923 par le « Traité de Lausanne » plus avantageux pour la Turquie à plus d’un titre … Alep se retrouvant coupée de son port sur la Méditerranée, amputée d’une grande partie de son territoire, notamment du « Sandjak d’Alexandrette » [correspondant à peu près à l'actuelle province turque du Hatay ; NdT].
 
Que cherchent les mercenaires armés ?
 
Ils cherchent à transformer Alep de capitale économique en capitale du terrorisme, laquelle deviendrait le siège d’un nouveau « Conseil National de Transition », que les Pays du Golfe s’empresseront de reconnaître, maintenant que les bandes armées ont obtenu la promesse de cette reconnaissance par l’administration US et le président français François Hollande !
Mais ce n’est pas là leur seul but. D’un point de vue sociétal, Alep est en quelque sorte une petite Syrie à elle seule, car très représentative de l’ensemble de sa population et de ses composantes confessionnelles. La contrôler permettrait à la prétendue opposition syrienne de promouvoir sa soi-disant volonté d’établir un « système pluraliste », slogan menteur et hypocrite puisqu’il est désormais très clair que cette opposition obéit au diktat de la couleur unique… et que les chrétiens seront les grands perdants !
 
Vers où croyez-vous que cette bataille d’Alep se dirige ?
 
Les insurgés sont tombés dans un piège et leurs ambitions reposent sur des sables mouvants. La bataille de Syrie s’est soldée par sa victoire. Aux terroristes d’accepter leur défaite. Rien à l’horizon ne suggère une autre conclusion !
 
Dr Amin Hoteit
29/09/2012
 
Article traduit de l’arabe par Mouna Alno-Nakhal

UNE FARCE INTERNATIONALE

REGLE D'OR : UNE FARCE INTERNATIONALE

MICHEL DE PONCINS

source : Tocqueville Magazine



Chaque jour nous avons droit à des péripéties guignolesques autour de la ratification ou pas du pacte de stabilité ; il prétend instaurer une règle d'or censée réguler les comptes  publics au sein de l'Union Européenne. Des postures diverses sont prises par les uns et les autres au rythme de supposés intérêts électoraux.
Le pacte budgétaire européen, officiellement appelé « traité sur la stabilité », la coordination et la gouvernance (TSCG), constituent un mécanisme sur lequel se sont accordés 25 des 27 états membres de l'union européenne en vue de  la convergence de leur union économique et monétaire, notamment dans la zone euro. Le texte prétend ainsi renforcer la responsabilité budgétaire des pays et améliorer la gouvernance de la zone euro.  
Selon le «paquet européen», examiné  en conseil des ministres, un  projet de loi organique instaure le principe d'une «règle d'or». Il stipule que les lois de programmation pluriannuelles des finances publiques contiendront une trajectoire pour arriver à un déficit structurel (hors effets de la conjoncture et événements imprévus) de 0,5 % «à moyen terme» sous peine de sanctions. Seules des circonstances exceptionnelles ou une grave récession pourront donner de la latitude aux États. 
Le flou est épais.  
Il est conceptuel, personne ne pouvant savoir où l'on va et pourquoi : que signifient des circonstances exceptionnelles ou une grave récession ? Le projet bouge sans cesse. Dans l'imprécision des  termes il est clair  que l'idée fondamentale des lois de finances annuelles s'estompe pour faire place à une trajectoire !  Quid des changements  futurs de majorité ? Que veut dire : moyen terme ?  Bien malin qui le sait.

QUELQUES CERTITUDES

Les politiques ne veulent pas viser des surplus budgétaires, comme ils ont existé naguère, et se contentent de rêver à limiter les déficits avec bien des  garde-fous : une échappatoire  commode existe en cas de circonstances exceptionnelles sur lesquelles le gouvernement n'a pas de prise. Au même moment, le pouvoir annonce un effort « historique » de déficit budgétaire qui passerait de 4,5% du PIB en 2012 à 3% en 2013. Quand on connaît la vanité de ces calculs et leur traficotage il est permis de douter.
Conscients de leur propre impéritie, les politiques cherchent une parade et la trouvent dans le pacte. Ils se lient les mains, en quelque sorte eux-mêmes, et celles de leurs successeurs avec un projet d’une extrême complexité.
Au niveau européen, le traité prévoit un renforcement de la procédure pour déficit excessif, les sanctions pouvant aller jusqu'à 0,5% du PIB. La Commission pourra donner son avis sur les budgets avant leur adoption par les parlements nationaux, lesquels sont pratiquement dépouillés de leurs pouvoirs. Qui peut envisager, sans sourire, de voir un grand pays se laisser condamner à des amendes considérables,  dans le flou général ? Il est question de dénonciation d'un État par un autre : la recherche des suspects n'est pas loin.
Malgré toutes les dénégations officielles, nous nous trouvons devant une nouvelle et considérable avancée de l'hydre européenne. L'un des objectifs avoués est de faire converger toutes les politiques européennes : pour un économiste c'est clairement la ruine assurée pour chacun.
Certes, les réalistes diront que, de toutes manières, l'indépendance du pays est largement handicapée par l'omniprésence de la CEE, laquelle est manipulée par une camarilla d'eurocrates et leurs accompagnateurs ; toutefois, le traité va rajouter une  montagne tellement monstrueuse de réglementations que le boulet financier de la CEE va s'alourdir encore sur les peuples.

 LE HAUT CONSEIL

Voici, enfin, la cerise sur le gâteau. Dans toute action étatique, la furie dépensière est toujours présente. Une nouvelle instance va être créée auprès de la cour des comptes : le Haut Conseil des Finances Publiques. Il  donnera son avis sur la fiabilité des hypothèses de croissance figurant dans les projets de budget  élaborés chaque année par l'exécutif. Il  devra aussi vérifier que le projet de budget d'une année respecte bien la trajectoire de réduction des déficits déclinée sur plusieurs années. En cas d'écart, le Haut Conseil sera chargé d'alerter publiquement le parlement et le gouvernement. Il reviendra alors à ce dernier de proposer des mesures pour corriger le tir.
A l'échelle nationale il sera une sorte de miroir de la monstrueuse excroissance bureaucratique attendue au niveau de l'Europe. Personne ne peut imaginer les milliers de documents que les imprimantes vont cracher dans le flou général.
Le traité enjoint aux  États de mettre en place un mécanisme de correction automatique en cas d'écart par rapport à l'« objectif à moyen terme ou à la trajectoire d’ajustement ». Ce mécanisme sera défini selon les « principes communs proposés par la Commission européenne » qui, «ne portant pas atteinte aux prérogatives des parlements nationaux »  concerneront « la nature, la taille, les délais des mécanismes de correction ainsi que les institutions nationales en charge de leur application ».
Tous les éléments précités doivent être introduits dans la législation nationale, dans un délai d'un an suivant l'entrée en vigueur du Traité, sous forme de dispositions contraignantes et permanentes, de préférence constitutionnelles. C'est ce qu'on appelle la règle d'or budgétaire.
Comment expliquer que les politiques se livrent ainsi à une véritable farce ? Ce résultat vient de l'idéologie européenne, de la folie du tout État, du panurgisme habituel à leur milieu et du souci d'amuser le peuple faute de réformer. Ce mélange est explosif pour les  citoyens d'en bas et explique largement le désamour flagrant entre les classes politiques de tous pays et ces citoyens d'en bas.


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