REGLE D'OR : UNE FARCE INTERNATIONALE
MICHEL DE PONCINS
source : Tocqueville Magazine
Chaque jour nous avons droit à des
péripéties guignolesques
autour de la ratification ou pas du pacte de stabilité ; il prétend
instaurer
une règle d'or censée réguler les comptes
publics au sein de l'Union Européenne. Des postures
diverses sont prises
par les uns et les autres au rythme de supposés intérêts électoraux.
Le pacte budgétaire européen,
officiellement appelé « traité
sur la stabilité », la coordination et la gouvernance (TSCG),
constituent un
mécanisme sur lequel se sont accordés 25 des 27 états membres de
l'union
européenne en vue de la
convergence de
leur union économique et monétaire, notamment dans la zone euro. Le
texte
prétend ainsi renforcer la responsabilité budgétaire des pays et
améliorer la gouvernance
de la zone euro.
Selon le «paquet européen», examiné en conseil des ministres,
un projet de loi
organique instaure le principe
d'une «règle d'or». Il stipule que les lois de programmation
pluriannuelles des
finances publiques contiendront une trajectoire pour arriver à un
déficit
structurel (hors effets de la conjoncture et événements imprévus) de
0,5 % «à
moyen terme» sous peine de sanctions. Seules des circonstances
exceptionnelles
ou une grave récession pourront donner de la latitude aux
États.
Le flou est épais.
Il est conceptuel, personne ne
pouvant savoir où l'on va et
pourquoi : que signifient des circonstances exceptionnelles ou une
grave
récession ? Le projet bouge sans cesse. Dans l'imprécision des termes il est clair que l'idée fondamentale
des lois de finances
annuelles s'estompe pour faire place à une trajectoire ! Quid des changements futurs de majorité ? Que
veut dire : moyen
terme ? Bien malin
qui le sait.
QUELQUES CERTITUDES
Les politiques ne veulent pas viser
des surplus budgétaires,
comme ils ont existé naguère, et se contentent de rêver à limiter les
déficits
avec bien des garde-fous
: une
échappatoire commode
existe en cas de
circonstances exceptionnelles sur lesquelles le gouvernement n'a pas de
prise.
Au même moment, le pouvoir annonce un effort « historique » de déficit
budgétaire qui passerait de 4,5% du PIB en 2012 à 3% en 2013. Quand on
connaît
la vanité de ces calculs et leur traficotage il est permis de douter.
Conscients de leur propre impéritie,
les politiques
cherchent une parade et la trouvent dans le pacte. Ils se lient les
mains, en
quelque sorte eux-mêmes, et celles de leurs successeurs avec un projet
d’une
extrême complexité.
Au niveau européen, le traité prévoit
un renforcement de la
procédure pour déficit excessif, les sanctions pouvant aller jusqu'à
0,5% du
PIB. La Commission pourra donner son avis sur les budgets avant leur
adoption
par les parlements nationaux, lesquels sont pratiquement dépouillés de
leurs
pouvoirs. Qui peut envisager, sans sourire, de voir un grand pays se
laisser
condamner à des amendes considérables,
dans le flou général ? Il est question de dénonciation
d'un État par un
autre : la recherche des suspects n'est pas loin.
Malgré toutes les dénégations
officielles, nous nous
trouvons devant une nouvelle et considérable avancée de l'hydre
européenne.
L'un des objectifs avoués est de faire converger toutes les politiques
européennes : pour un économiste c'est clairement la ruine assurée pour
chacun.
Certes, les réalistes diront que, de
toutes manières,
l'indépendance du pays est largement handicapée par l'omniprésence de
la CEE,
laquelle est manipulée par une camarilla d'eurocrates et leurs
accompagnateurs
; toutefois, le traité va rajouter une
montagne tellement monstrueuse de réglementations que le
boulet
financier de la CEE va s'alourdir encore sur les peuples.
LE HAUT CONSEIL
Voici, enfin, la cerise sur le
gâteau. Dans toute action
étatique, la furie dépensière est toujours présente. Une nouvelle
instance va
être créée auprès de la cour des comptes : le Haut Conseil des Finances
Publiques. Il donnera
son avis sur la
fiabilité des hypothèses de croissance figurant dans les projets de
budget élaborés
chaque année par l'exécutif. Il devra
aussi vérifier que le projet de budget
d'une année respecte bien la trajectoire de réduction des déficits
déclinée sur
plusieurs années. En cas d'écart, le Haut Conseil sera chargé d'alerter
publiquement le parlement et le gouvernement. Il reviendra alors à ce
dernier
de proposer des mesures pour corriger le tir.
A l'échelle nationale il sera une
sorte de miroir de la
monstrueuse excroissance bureaucratique attendue au niveau de l'Europe.
Personne ne peut imaginer les milliers de documents que les imprimantes
vont
cracher dans le flou général.
Le traité enjoint aux
États de mettre en place un mécanisme de correction
automatique en cas
d'écart par rapport à l'« objectif à moyen terme ou à la trajectoire
d’ajustement ». Ce mécanisme sera défini selon les « principes communs
proposés
par la Commission européenne » qui, «ne portant pas atteinte aux
prérogatives
des parlements nationaux » concerneront
« la nature, la taille, les délais des mécanismes de correction ainsi
que les institutions
nationales en charge de leur application ».
Tous les éléments précités doivent
être introduits dans la
législation nationale, dans un délai d'un an suivant l'entrée en
vigueur du
Traité, sous forme de dispositions contraignantes et permanentes, de
préférence
constitutionnelles. C'est ce qu'on appelle la règle d'or
budgétaire.
Comment expliquer que les politiques
se livrent ainsi à une
véritable farce ? Ce résultat vient de l'idéologie européenne, de la
folie du
tout État, du panurgisme habituel à leur milieu et du souci d'amuser le
peuple
faute de réformer. Ce mélange est explosif pour les
citoyens d'en bas et explique largement le
désamour flagrant entre les classes politiques de tous pays et ces
citoyens
d'en bas.
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