mercredi 23 avril 2014

Erdogan et 1915 : un communiqué pour rien



Le message d'Erdogan sur les événements de 1915 : futile





Ceux qui attendaient beaucoup du communiqué d’Erdogan ont été déçus.

Certes l’exercice est inédit puisque c’est la première fois qu’un Premier ministre turc parle de ce qu’il appelle "les déplacements pendant la première Guerre, ayant entrainé des actes inhumains".

On aurait pu applaudir ce message s’il était sincère et juste. Or ce n’est ni l’un ni l’autre. Et contrairement à ce qui a été écrit dans la presse française, aucune excuse n’a été adressée au peuple arménien. Et pour cause : « présenter des excuses n’existe pas dans la culture turque » comme disait Rakel Dink, la veuve du journaliste Hrant Dink après son assassinat.

Ce message vient comme par hasard un 23 avril, le jour où les Arméniens du monde entier font une veillée à la mémoire de leurs parents et grands-parents, assassinés lors des massacres d’une cruauté inimaginable où le deux tiers de la population arménienne de l’Empire ottoman a été anéantie corps et bien entre 1915 et 1922.

Tous les historiens, à part quelques négationnistes, définissent ces massacres planifiés comme le premier génocide du XXe siècle. Mot inventé par Raphaël Lemkin, un juriste polonais d’origine juive, dont les travaux se sont basés justement sur ce crime contre l’humanité pour définir les critères d’un génocide.



Or le PM Erdogan non seulement n’utilise pas le mot génocide, mais il ne parle même pas de massacre ou de crime contre l’humanité. Il fait allusion à un « déplacement » ayant entraîné des actes inhumains. Or la marche forcée d’une population vers le désert de Deir-Zor, la destination finale désignée par Talaat et ses complices jeunes-turcs, ne peut être considérée un comme un « déplacement » mais une expédition vers le néant. Quant au caractère planifié de ce déplacement, il suffit de taper « carte du génocide arménien » sur Internet pour voir les multiples chemins qui ont dû prendre les Arméniens, de toute l’Anatolie, vers la mort.

Le Premier ministre devient sardonique quand il parle d’une Turquie où la liberté d’expression est respectée ! Il oublie de dire que la Turquie, première prison du monde pour les journalistes (sans parler des prisonniers politiques) avait interdit il y a encore quelques jours Twitter et Youtube. Il omet de dire que le journaliste d’origine arménienne Hrant Dink a été assassiné parce qu’il avait exprimé une opinion différente de celle de l’État profond. Il omet aussi de dire que le prix Nobel Orhan Pamuk et plus récemment le pianiste Fazil Say ont dû fuir le pays parce qu’ils avaient exprimé des opinions différentes de la ligne officielle.

Erdogan fait référence aussi à une commission d’historiens arméno-turque pour étudier les ‘événements’ qui se sont déroulés pendant cette ‘période trouble’. Dans quel but, puisque nous connaissons la réponse qui veut entendre ? Comme il l’a dit lors d’une conférence internationale, en présence de l’ancien ministre de l’Arménie, V. Oskanian : ‘La Turquie n’a pas pu commettre un génocide puisque ce n’est pas dans notre culture. Par conséquent nous n’accepterons jamais le mot génocide.’ (dixit R.T.E.). Voici ce qu’attend la Turquie comme conclusion de la part d’une commission « objective ».

Après 99 ans de négationnisme d’État du Génocide des Arméniens, après l’impôt inique sur la fortune de 1942 (visant les minorités non musulmanes), après le pogrom du 6-7 septembre 1955, après l’assassinat de Hrant Dink en 2007, etc. ces condoléances feintes arrivent un peu tard. Si Erdogan veut présenter ses excuses au nom de la nation turque il pourrait reproduire le geste symbolique du Chancellier Willy Brandt à Varsovie, en 1970, et aller se recueillir au monument du Génocide des Arméniens, à Dzidzernagapert-Yerevan.

Les héritiers des rescapés du Génocide des Arméniens ne sont pas à la recherche de condoléances de façade ou d’empathie, mais de Justice et de Réparation, résumée par les trois « R » : Reconnaissance, Repentir, Réparation.

Le reste c'est du vent.

J. V.
23 avril 2014 


voir aussi  l'Interview de Jean Sirapian sur I24News.


lundi 21 avril 2014

Le massacre de Maragha


Le massacre de Maragha, une page noire de l'histoire de Mardakert et de l'Artsakh

 

 

Le 10 avril 1992, les forces azéries attaquaient le village de Maragha, dans la région de Mardakert, au nord-est du Karabagh, théâtre des plus violents combats opposant l’armée azérie aux forces d’autodéfense arméniennes. Les Azéris massacrent plus de 50 habitants du village, et en prennent une cinquantaine d’autres en otages, dont on restera sans nouvelles. Maragha, comme beaucoup d’autres localités martyres de l’Artsakh, sont autant de plaidoyers pour le combat livré par les Arméniens pour se libérer de la tutelle de Bakou.

 

 


La région de Mardakert, au nord-est du Karabagh. Appuyée par une vingtaine de blindés, la soldatesque azérie va s'acharner sur les pacifiques villageois arméniens, massacrant plus de 50 d'entre eux, hommes, femmes et enfants. Les Azéris se retirent en prenant en otages 50 autres habitants, dont 9 enfants, qui seront tous portés disparus. Ce n'est que le 22-23 avril 1992 que les rescapés peuvent retourner dans leur village dévasté, pour y enterrer leurs morts. Des organisations internationales de défense des droits de l'homme, comme Helsinki Watch, ou des personnalités comme Caroline Cox, vice-présidente de la Chambre des Lords du Parlement britannique, qui se sont rendus sur les lieux au lendemain de ce massacre, ont témoigné de l'ampleur de la tragédie. Profondément choquée par le spectacle de ces atrocités, Caroline Cox évoquera plus tard cet épisode tragique de l'histoire de l'Artsakh dans son livre intitulé « Le nettoyage ethnique continue » qui est un violent réquisitoire contre les actes de barbarie perpétrés par les Azéris contre la population civile arménienne du Karabagh. 

Un mois plus tard, en mai 1992, la fortune des armes s'inversait en faveur des Arméniens, qui s'emparaient de Chouchi, dont les Azéris avaient fait leur QG, et enregistraient ensuite une série de victoires sur les forces de Bakou, contraintes de signer un cessez-le-feu deux ans plus tard, le 14 mai 1994. Le renversement spectaculaire opéré au printemps 1992 sur le théâtre des opérations militaires du Karabagh en faveur des Arméniens va avoir pour effet de faire tomber hélas quelque peu dans l'oubli le massacre de Maragha.

Un massacre qui vient rappeler que lorsqu'une population est menacée dans son intégrité physique même, comme c'est encore aujourd'hui le cas pour les Arméniens du Karabagh, le principe d'intégrité territoriale s'efface devant le principe souverain du droit à l'autodétermination, du droit d'un peuple à vivre libre et en sécurité.


voir aussi :  


 

samedi 19 avril 2014

Syrie: une religieuse dénonce des crucifixions de chrétiens par des jihadistes

Syrie: une religieuse dénonce des crucifixions de chrétiens par des jihadistes

Cité du Vatican, 18 avr 2014 (AFP) -


Des chrétiens qui refusaient de prononcer la profession de foi musulmane ou de verser une rançon ont été crucifiés par des jihadistes en Syrie, a dénoncé vendredi à Radio Vatican une religieuse syrienne.

Selon Soeur Raghid, qui a dirigé l'école du patriarcat gréco-catholique à Damas, et qui vit maintenant en France, "dans les villes ou villages qui sont occupés par les éléments armés, les djihadistes et tous les groupes musulmans extrémistes proposent aux chrétiens soit la chahada (la profession de foi musulmane) soit la mort. Quelques fois, on demande une rançon".

"C'est impossible, a-t-elle ajouté, de renier leur foi donc, ils subissent le martyr. Et le martyr d'une façon extrêmement inhumaine, d'une extrême violence qui n'a pas de nom. Si vous voulez des exemples, à Maaloula, ils ont crucifié deux jeunes gens parce qu'ils n'ont pas voulu dire la chahada. Ils disent +alors, vous voulez mourir comme votre maître en qui vous croyez. Vous avez le choix: soit vous dites la chahada, soit vous êtes crucifiés+".

"Il y en a un qui a été crucifié devant son papa. On a même tué son papa. Ce qui s'est passé par exemple à Abra, dans la zone industrielle, dans la banlieue de Damas", a-t-elle rapporté.

Selon elle, après des massacres, des jihadistes ont parfois "pris les têtes et joué au foot avec elles", ont pris les bébés des femmes et "les ont accroché aux arbres avec leurs cordons ombilicaux".

Radio Vatican a publié cette interview le jour où l'Eglise commémore la crucifixion du Christ à Jérusalem.

Alors que la guerre civile donne lieu à des massacres commis par toutes les parties, la minorité chrétienne s'est en majorité prononcée pour le régime laïc de Bachar al-Assad, par crainte précisément des islamistes.

jlv/jeb

AFP le 18/04/2014 20:10:33

jeudi 10 avril 2014

Turkey Losing Propaganda War Over Syrian Armenians

Turkey Losing Propaganda War Over Syrian Armenians

Rebels fighter stand on the images of the late Syrian president Hafez al-Assad (R) and his son present Syrian President Bashar al-Assad at the Kassab border crossing with Turkey on March 23, 2014.

By: Amberin Zaman , Columnist for Al-Monitor


“The bearded men came to our home. They spoke Turkish. They rifled through our belongings and asked if we had guns.” This is how Sirpuhi Titizyan, a refugee from Kassab, a mainly Armenian village in northern Syria that was overrun by jihadists fighters on March 21, described her ordeal to Agos, an Istanbul-based Armenian weekly.

The frail octogenarian blamed Turkey’s prime minister, Recep Tayyip Erdogan, for Kassab’s fall. “Had Erdogan not cleared the path to Kassab, this many evil men would not have come,” Titizyan said. “May Allah blind Erdogan,” she thundered in a separate interview with Aris Nalci, a Turkish-Armenian blogger.

But readers of the mass circulation daily Hurriyet, which disingenuously claimed to have interviewed the sisters first, were offered a completely different version of events. When asked to respond to allegations that Turkey had helped to orchestrate the attack against Kassab, Sirpuhi was quoted as saying: “If this were so, why would the [Turkish] government be helping us?”

Sirpuhi and her sister Satenik have become the unwitting tools of a propaganda war pitting Syrian President Bashar al-Assad’s regime and members of the Armenian diaspora against Turkey and its rebel proteges.

The Islamist fighters promised the women, who were among a handful of elderly people left behind, that they would help them join their fellow villagers in regime-controlled areas of Latakia and Tartus. But they handed the pair over to Turkish authorities in the neighboring province of Hatay instead.

The sisters have since been resettled in Vakifli, the sole Armenian-inhabited village left in Turkey since 1915.

That was when more than a million Armenians were slaughtered by Ottomans in what most historians concurred was the first genocide of the 20th century. Much of the violence took place as hundreds of thousands of Armenians were uprooted from their homes and ordered on a “death march” to the Syrian desert in Deir al-Zor.

Coming just weeks before the 99th anniversary of the genocide on April 24, the campaign in Kassab was bound to bruise Turkey’s image. And that is why, wrote Agos editor-in-chief, Rober Koptas, Turkey intervened with opposition fighters to prevent them from moving against Kassab in the past. So what prompted the change? he asked. Most Armenians, Koptas notes, would give the shortcut answer that it was “to harm Armenians.” But as he said, any harm suffered by Kassab’s Armenians would harm Turkey, too. The more likely reason that Turkey did not stand in the way of the rebels this time was because the conflict was tipping in the regime’s favor. Kassab would give the rebels a strategic foothold in Latakia and unprecedented access to the Mediterranean Sea. But at what price?

Claims that the jihadists had desecrated churches and beheaded Christians in Kassab have been debunked. And there has been only one civilian death reported so far. Yet, the Armenian National Committee of America (ANCA) called on US President Barack Obama “to immediately press Turkey to stop facilitating attacks on civilians in Kassab, and to investigate Turkey’s reported assistance to foreign fighters associated with US-designated terrorists groups.”

ANCA is at the forefront of a long-running campaign to get the US Congress to formally recognize the Armenian genocide. Armenia’s President Serzh Sargsyan was quick to draw parallels with 1915. Speaking in The Hague on the sidelines of the World Nuclear Summit, Sargsyan said: “All of us remember the history of Kassab very well. Unfortunately, in the course of the past centuries it has been rich in hellish realities of deportations of Armenians.”

Armenian-American celebrities like Kim Kardashian and Cher have waded in with tweets to “Save Kassab.”

Turkey denies it had any role in the fall of Kassab. In a statement on April 6, the Turkish Foreign Ministry declared that it had taken “swift measures to ensure that the people of Kassab were kept out of harm’s way.” Turkish authorities were coordinating with the Armenian Patriarchate to facilitate passage for those Armenians who wished to come to Turkey.

Some 18 Kassab Armenians have been brought over to Turkey and joined the Titizyan sisters in Vakifli, where the Turkish Red Crescent was tending to them. But Agos editor Koptas believes it’s more of a public relations exercise than a humanitarian mission. “It is clear to us that the rebel assault against Kassab was launched from Turkish soil,” Koptas told Al-Monitor, echoing eyewitness reports from the Turkish-Syrian border. “Turkey is now in an extremely difficult position and is trying to repair its image,” he said.
It’s easy to see why Turkey’s actions have triggered such controversy. The horrors of 1915 are never far from the Armenians’ collective memory. In Kassab, which overlooks Turkey, “the feelings for Turkey were not of yearning but of dislike,” recalled Nigol Bezjian, a Syrian-Armenian filmmaker who as a child spent summers in Kassab.

“From what I remember there was talk about the genocide and there was talk about inhumane violence, but there was also a sense of pride in that Kassab along with a few other Armenian villages — Aramo, Ghnemieh and Yacoubieh — continued to be inhabited by Armenians after the genocide,” Bezjian told Al-Monitor.

Turkey denies that there was a genocide, and has pumped millions of dollars into a largely unsuccessful campaign to peddle its own narrative which proposes that, swept up in the chaos of the collapsing Ottoman Empire, the Armenians mostly perished as a result of famine and disease.

Ankara’s credibility with the Armenians was further dented when it junked a set of protocols it signed with Armenia in October 2009 that were supposed to have established diplomatic ties and reopened its long-sealed land border with the former Soviet republic.

The ink on the documents had barely dried when Turkey declared that it could not implement them unless Armenia withdrew from at least some of the territories it had seized from Azerbaijan during a bitter six-year war over the disputed Nagorno-Karabakh enclave that ended in 1994. Turkey’s minister for European Union affairs, Mevlut Cavusoglu, asserted in a recent interview that Armenia had delivered “a verbal pledge to withdraw from territories under its occupation” before the protocols were signed. “But they failed to keep their promise; it is Armenia’s fault,” Cavusoglu insisted. But Western diplomats who were close to the negotiations say that Nagorno-Karabakh never came up. There is no mention of the issue in the protocols, and it is widely assumed that Turkey’s volte-face was a result of Azerbaijan’s threats to cut off vital oil and natural gas sales.

Despite the freeze in official ties between Turkey and Armenia, civil society initiatives to heal the wounds of the past are flourishing. A growing number of Turkish academics and intellectuals are rejecting the official account of what happened in 1915. A commemoration of the tragedy will be held April 24 in Istanbul’s central Taksim Square.

Now many fret that Turkish meddling in Kassab will undo such progress. Some Armenian intellectuals, in turn, worry that disinformation about Kassab may hurt the Armenian cause.
“Kassab is the heart and soul of the Syrian-Armenian community, a surviving artifact of life we had before the genocide. Losing it feels a bit like a final erasure,” explained Elyse Semerdjian, who teaches Middle East and Islamic History at Whitman College, in an interview with Al-Monitor. But Semerdjian cautions against linking the events in Kassab to 1915 “to attack Turkey’s role in the Syrian conflict as well as agitate further for Armenian genocide recognition.” She said, “Genocide recognition is a noble cause, but it should not come at the expense of Armenian credibility on human rights.”

Bezjian agrees that the Armenian community must not allow itself to be manipulated by the warring sides. “When things were good and Assad vacationed with Erdogan, all books about the Armenian genocide were confiscated from the bookstores by Syrian secret service agents,” Bezjian recalled. “Now that things have turned the other way, Assad talks about the genocide to justify his own conduct.”


mardi 8 avril 2014

Trois partis politiques belges ménagent leur électorat turc

Réactions aux trois partis politiques 
belges qui ménagent leur électorat turc

L'AJP déplore le boycot par PS, CDH et MR sur la liberté de la presse en Turquie
La résolution pour la liberté de la presse turque boycottée par PS, CDH et MR
Fureur et lourde déception lundi après-midi, 31 mars, pour le député (Écolo) Jean-Claude Defossé. La résolution qu’il essayait, depuis longtemps, de mettre à l’agenda politique pour soutenir la liberté de la presse en Turquie était enfin à l’ordre du jour d’une commission à la Cocof (parlement bruxellois de la Région bruxelloise). Hélas, au moment où son examen devait commencer, les parlementaires PS et celui du CDH, sans dire un mot, ont quitté la salle... 

Les deux représentants MR ont suivi. Le quorum, dès lors, n’était plus acquis et la proposition de résolution glissait aux oubliettes. Elle n’aura donc pas l’occasion d’aller jusqu’en plénière.

« C'est peu dire que je suis scandalisé par cette attitude qui vise a empêcher toute discussion sur un texte qui de surcroit concerne la liberté de presse, confie l’ancien journaliste devenu parlementaire. C'est le degré zéro de la politique. Quand je pense que durant plusieurs années les représentants de ces partis ont siégé aux états généraux des médias d'information dont l'atelier 3 était consacré à la liberté de presse... » Jean-Claude Defossé, qui ne se présente plus aux élections du 25 mai, ne se doutait pas que ses désillusions politiques connaîtraient un tel sommet. Si aucune raison n’a été donnée aux chaises soudain vides des membres de la commission, il ne faut pas avoir fait Sciences Po pour imaginer que la campagne électorale et la préservation de l’électorat turc en Région bruxelloise ont peut être inspiré la manœuvre.

La résolution « visant au respect de la liberté de la presse en Turquie » et demandant au gouvernement francophone bruxellois d’entreprendre des démarches en c e sens faisait suite aux demandes de la Fédération européenne des journalistes (FEJ) et à d’autres résolutions similaires votées au parlement de la FWB, au Sénat et au parlement européen. Les trois signataires du texte – Fatoumata Sidibé (FDF), André du Bus (CDH) et JC Defossé – qui avaient mené avec Mehmet Köksal une mission non officielle en Turquie, avaient confirmé la situation inacceptable de la presse en Turquie. Enfin, de nouvelles arrestations massives, non seulement de journalistes mais aussi d’avocats, d’intellectuels et d’artistes avaient donné une acuité particulière à la résolution, sans parler des dernières restrictions à la liberté d’expressions sur internet en Turquie.

L’AJP déplore vivement que l’intérêt électoral l’ait emporté sur le courage de réaffirmer une valeur essentielle. Elle poursuivra de son côté ses actions, avec la FEJ, pour soutenir et défendre les journalistes privés de liberté. (http://www.ajp.be/actus/actus.php?id=763)

source :
 

vendredi 4 avril 2014

Erdogan, le Sultan de la CIA

Erdogan, le Sultan de la CIA


Bahar Kimyongür 
2 avril 2014

 

 

Des millions de Turcs, Arabes et Musulmans ont vu en Erdogan un héros libérateur après son show devant Shimon Peres à Davos en 2009. En réalité, c’était du cinéma. Comme le montre sa nouvelle expédition militaire contre la Syrie et sa volonté de mettre en scène un faux attentat, tout cela au service de ses maîtres de Washington. Bahar Kimyongür décortique les médiamensonges de cette “Opération Butin”...

(Erdogan avec l'agent de la CIA Mahdi Harati*)
Un corps expéditionnaire djihadiste formé dans le Sud de la Turquie progresse vers la ville côtière de Lattaquié au Nord-ouest de la Syrie. Majoritairement composée de combattants européens, asiatiques, maghrébins, turcs, d'Arabes du Machrek et du Golfe et de quelques Syriens égarés dont des Turkmènes, cette légion étrangère représente l'ultime cheval de bataille du Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan dans sa guerre par procuration contre la Syrie.
Après la révolte de millions de Turcs contre sa politique répressive et belliqueuse, après les révélations sur son implication dans un vaste réseau maffieux et surtout après trois ans d'échecs sur le front syrien, Erdogan semble vouloir miser le tout pour le tout. N'avait-il pas promis à ses fidèles de prier dans la mosquée des Omeyyades une fois le gouvernement syrien renversé ?
A défaut d'avoir pu réaliser son projet mégalomane, Erdogan ressent autant le besoin de conquérir les esprits que les terres des peuples insoumis. Pour cela, il puise volontiers son inspiration dans l’héritage impérial du pays, se rêvant en nouveau Sélim Ier, le Sultan ottoman surnommé « Le Terrible » ou le « Cruel », celui qui soumit la Syrie et l'Egypte au début du XVIe siècle.
Erdogan n’a pas baptisé par hasard le 3e pont sur Bosphore actuellement en chantier du nom de son mentor impérial. Comme le Sultan Selim, Erdogan veut régner sur la Syrie et l'Egypte. Et comme le Sultan Selim, Erdogan envoie ses troupes massacrer les alévis, les alaouites et autres communautés soupçonnées de mécréance, d'hérésie ou de proximité avec l'Iran.
Toutefois, à la différence du redoutable sultan-calife, Erdogan n’est que le larbin d'un Empire plus fort que lui, celui des Etats-Unis. Sa carrière politique à la tête de l’Etat est marquée par sa volonté de concilier ses ambitions personnelles avec les intérêts de ses maîtres. Il en est de même pour son soutien décomplexé au terrorisme et à la guerre en Syrie, soutien encouragé et encadré depuis le début de la crise syrienne par son partenaire stratégique américain.
False Flags anti-turcs, CIA, Menderes et Erdogan
Une conversation top-secret entre officiels turcs planifiée par Erdogan et diffusée la semaine dernière via les réseaux sociaux a révélé que le chef du renseignement Hakan Fidan était prêt à bombarder le mausolée du grand-père du fondateur de l'Empire ottoman Suleyman Shah situé dans une enclave turque en territoire syrien pour justifier l’entrée en guerre d'Ankara contre Damas.
Le Sultan néo-ottoman Erdogan était donc prêt à détruire un joyau du patrimoine national pour sa propre gloire et indirectement, pour le bien de l’Amérique. Ce n'est pas la première fois qu'un gouvernement turc organise en coordination avec Washington une fausse attaque contre un édifice turc à haute valeur symbolique pour s’en prendre à plus faible que lui.
En 1955, les services secrets turcs perpétrèrent un attentat sous faux drapeau (false flag) contre la maison de Mustafa Kemal Atatürk à Thessalonique en Grèce et accusèrent les communistes turcs d’en être les auteurs. A l’époque, la Turquie était dirigée par Adnan Menderes, un Premier ministre « islamo-conservateur » pro-US. Grâce à cette « stratégie de la tension », les barbouzes turcs et américains cherchaient à justifier leur guerre intérieure contre les communistes turcs.
Des suites de ce faux attentat, les 6 et 7 septembre 1955, des églises grecques et arméniennes, des synagogues, des écoles, des habitations et des commerces furent pillés, incendiés, des hommes furent lynchés en plein cœur d'Istanbul en raison de leur identité religieuse. L'opération fut orchestrée par le Gladio turc, l'armée secrète de l'OTAN alors en guerre contre le « péril communiste ». Justement, Adnan Menderes, l'homme de la CIA des années 50 qui couvrit le pogrome d’Istanbul, est lui aussi érigé en modèle par Recep Tayyip Erdogan.
Le régime d’Ankara en guerre contre les Arméniens de Syrie

Si le plan d'attaque du mausolée ottoman en territoire syrien n'a pas abouti, les Arméniens de Syrie et autres minorités taxées de « mécréance » sont aujourd'hui à nouveau la cible du régime d'Ankara. En effet, dès le premier jour du printemps, des hordes djihadistes venues de Turquie ont envahi Kassab, un village arménien et alaouite situé sur les pentes du Mont Casius au Nord-ouest de la province côtière de Lattaquié. Baptisée « Opération Butin » (Anfal) par les chefs djihadistes, cette nouvelle razzia barbare ne pouvait porter un nom plus explicite.
Pour faciliter l'avancée des envahisseurs djihadistes, l'aviation turque a abattu un MIG 23 syrien qui protégeait Kassab. Erdogan a invoqué une violation de l'espace territorial turc par l'avion syrien pour abattre l'appareil. Or, l'avion est tombé dans la zone de Kassab en Syrie. Le pilote, Thabet Ismail n'est ni Superman ni équipé d'une combinaison genre wingsuit. En sautant en parachute, il a logiquement atterri en Syrie à plusieurs kilomètres à l'intérieur de ses terres.
Le régime d'Ankara a ainsi non seulement agressé la Syrie mais a également offert une couverture aérienne à ses mercenaires. Par exemple, l’Observatoire 45 qui domine la zone montagneuse de Kassab près de Kastal Maaf a été brièvement conquis par la légion étrangère d'Erdogan grâce aux tirs d'artillerie de l'armée turque. Quant aux djihadistes blessés au combat, ils ont été transférés par des militaires turcs vers les hôpitaux de la province turque du Hatay.
Devant l’avancée des djihadistes, les habitants de Kassab et des villages environnants se sont résignés à fuir vers Lattaquié. Seuls quelques Arméniens âgés, sans doute las d'être hantés depuis un siècle par le spectre de l'exode, ont préféré rester.
Ils ont été la cible d'actes de violence et d'humiliation : leurs maisons ont été pillées, leurs crucifix, leurs bouteilles de vin et leurs stocks de viande de porc ont été détruits sous leurs yeux comme le reconnaît le chef de guerre saoudien Abdallah Mhesne (France 24, 26 mars 2014). Quant aux patriotes qui ont résisté à l’assaut djihadiste, ils ont été passés au fil de l'épée. C'est le cas de Nazem Shehadeh. En août dernier, sa mère, son épouse et ses deux garçons ont été enlevés par les terroristes au seul motif qu'ils étaient alaouites. Plusieurs centaines de civils, de militaires syriens ont été tués au cours de l’assaut turco-djihadiste sur le Nord de la province de Lattaquié.
La Syrie, nouveau Vietnam des USA
Il serait naïf de croire que les USA étaient neutres, désintéressés et inexistants dans ce nouvel assaut contre le territoire syrien. Depuis le début de la guerre de Syrie, les forces spéciales étasuniennes et la CIA sont discrètement déployées de part et d’autre de la frontière turco-syrienne.
Du général Paul E. Vallely au sénateur John Mc Cain, toute la vielle garde militaire US ayant combattu au Vietnam a procédé à l'inspection des troupes djihadistes du Nord syrien à partir de la Turquie d'Erdogan. Des dizaines de clichés montrent Vallely et McCain en compagnie de commandants djihadistes en Turquie et en Syrie. Cette présence américaine prouve à suffisance la coopération entre le gouvernement d’Erdogan et l’establishment US dans la guerre contre la Syrie.
Rappelons au passage qu’après l'invasion US de l'Irak, Erdogan s'était déclaré vice-président du Projet du Grand Moyen Orient (« Büyük Ortadogu Projesinin Esbaskaniyim » en turc), le plan de conquête version « soft power » des pays arabes élaboré durant le règne de George Bush.
La révolution colorée de mars 2011 sponsorisée par Washington (on se souviendra de la participation de l’ambassadeur américain en Syrie Robert Ford aux manifestations anti-gouvernementales) ayant été matée par l’Etat syrien, celui-ci est à présent confronté à une insurrection terroriste tout aussi sponsorisée par Washington.
Malgré ses quelques prises de bec médiatisées dues à son tempérament impétueux, le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan s’avère être un proconsul loyal et zélé prêt à recruter tous les psychopathes du globe dans sa campagne militaire contre la Syrie. Des millions de Turcs, d'Arabes et de Musulmans ont vu en Erdogan un héros et un libérateur après son « One Minute » show devant Shimon Peres lors du sommet de Davos en 2009.
En réalité, Erdogan n'a hérité des sultans conquérants que leur arrogance et leur cruauté. Tout le reste n'est que cinéma hollywoodien.

Source : Investig'Action

* Mahdi al-Harati (né vers 1973 à Tripoli en Libye) est un djihadiste irlando-libyen, ayant vécu deux dizaines d'années à Dublin en Irlande où il a épousé une irlandaise et enseignait l'arabe. Il se rend en Libye en 2011 pour fonder et commander en tant que colonel la brigade de Tripoli, entrainé par le Qatar, de l'armée de libération nationale de Libye. voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Mahdi_al-Harati
(ndlr) 

mercredi 2 avril 2014

La guerre des villes a déjà commencé

La Nouvelle Revue Géopolitique - La guerre des villes a déjà commencé (n° 124 - janvier - février - mars 2014)

 

 La Nouvelle Revue Géopolitique - La guerre des villes a déjà commencé  (n° 124 - janvier - février - mars 2014)
ISBN :  9782710810247  Prix : 10 Euros, 12 $US, 65,6 FF Date de Parution :  Fev 2014 broché, 19 x 26 cm, 96 pages 
Éditions Technip 
 
 Dossier : Les Grandes Villes
. Les Grandes Villes en faits et en chiffres, Antoine Mathieu-Collin
. Les Grandes Villes en quelques mots et en quelques dates, Nicolas Mazzucchi
. Les dynamiques économiques changeantes d'un « monde urbain » en pleine recomposition, Etienne Polle
. Le chiffre d'or de la cité, Laurent Vronski
. Le Grand Paris et la métropolisation de la croissance, Christian Saint-Etienne
. La métropole de Paris, entre enjeux urbains et enjeux géopolitiques, Philippe Subra
. Bruxelles, métropole de pouvoir et d'influence au cœur de l'Europe, Lionel Capel
. Le Grand Genève, une mini-mégapole hyperconnectée, Guy Mettan
. Les villes américaines, entre déclin et renouveau, Antoine Haguenauer
. Entretien avec Jean-Louis Bruguière, Jeremy Ghez
. Hong-Kong, vitrine de la Chine ou de l'Occident ? Vivien Fortat
. Moscou se rêve en future mégalopole de l'Eurasie, Arnaud Leclercq
. Les causes et les conséquences de l'urbanisation dans les pays pauvres reconsidérées, Edward Glaeser
. Rio, une merveilleuse ségrégation spatiale, Jean-Jacques Kourliandsky
. L'Afrique et ses villes s'éveillent ! Ange-Patrick Demenou
. Verbatim, Antoine Mathieu-Collin
. Les villes vertueuses et l'énergie : de Socrate à Google, Samuele Furfari
. Une infographie de la Banque mondiale

Ouverture
. Paris, belle et rebelle : splendeur et misère d'une Ville-monde, Steve Danino et Emmanuel Perez-Duarte

Lecture
. Ramses 2014, les jeunes : vers l'explosion ?
. Entretien avec Philippe Moreau Defarges
. La mondialisation contemporaine : rapports de force et enjeux
. Les grandes mutations du monde au XXe siècle
. Les coréens
. Agriculture et mondialisation : un atout géopolitique pour la France

La grande idée
. Crises et mutations, vers de nouvelles opportunités ? Olivier Klein

Post scriptum
. Les défis intérieurs et extérieurs d'Hassan Rohani, Thierry Coville

Le mot de la fin
. Un monde qui change : l'Iran de retour dans le concert des nations, Ardavan Amir-Aslani