vendredi 4 avril 2014

Erdogan, le Sultan de la CIA

Erdogan, le Sultan de la CIA


Bahar Kimyongür 
2 avril 2014

 

 

Des millions de Turcs, Arabes et Musulmans ont vu en Erdogan un héros libérateur après son show devant Shimon Peres à Davos en 2009. En réalité, c’était du cinéma. Comme le montre sa nouvelle expédition militaire contre la Syrie et sa volonté de mettre en scène un faux attentat, tout cela au service de ses maîtres de Washington. Bahar Kimyongür décortique les médiamensonges de cette “Opération Butin”...

(Erdogan avec l'agent de la CIA Mahdi Harati*)
Un corps expéditionnaire djihadiste formé dans le Sud de la Turquie progresse vers la ville côtière de Lattaquié au Nord-ouest de la Syrie. Majoritairement composée de combattants européens, asiatiques, maghrébins, turcs, d'Arabes du Machrek et du Golfe et de quelques Syriens égarés dont des Turkmènes, cette légion étrangère représente l'ultime cheval de bataille du Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan dans sa guerre par procuration contre la Syrie.
Après la révolte de millions de Turcs contre sa politique répressive et belliqueuse, après les révélations sur son implication dans un vaste réseau maffieux et surtout après trois ans d'échecs sur le front syrien, Erdogan semble vouloir miser le tout pour le tout. N'avait-il pas promis à ses fidèles de prier dans la mosquée des Omeyyades une fois le gouvernement syrien renversé ?
A défaut d'avoir pu réaliser son projet mégalomane, Erdogan ressent autant le besoin de conquérir les esprits que les terres des peuples insoumis. Pour cela, il puise volontiers son inspiration dans l’héritage impérial du pays, se rêvant en nouveau Sélim Ier, le Sultan ottoman surnommé « Le Terrible » ou le « Cruel », celui qui soumit la Syrie et l'Egypte au début du XVIe siècle.
Erdogan n’a pas baptisé par hasard le 3e pont sur Bosphore actuellement en chantier du nom de son mentor impérial. Comme le Sultan Selim, Erdogan veut régner sur la Syrie et l'Egypte. Et comme le Sultan Selim, Erdogan envoie ses troupes massacrer les alévis, les alaouites et autres communautés soupçonnées de mécréance, d'hérésie ou de proximité avec l'Iran.
Toutefois, à la différence du redoutable sultan-calife, Erdogan n’est que le larbin d'un Empire plus fort que lui, celui des Etats-Unis. Sa carrière politique à la tête de l’Etat est marquée par sa volonté de concilier ses ambitions personnelles avec les intérêts de ses maîtres. Il en est de même pour son soutien décomplexé au terrorisme et à la guerre en Syrie, soutien encouragé et encadré depuis le début de la crise syrienne par son partenaire stratégique américain.
False Flags anti-turcs, CIA, Menderes et Erdogan
Une conversation top-secret entre officiels turcs planifiée par Erdogan et diffusée la semaine dernière via les réseaux sociaux a révélé que le chef du renseignement Hakan Fidan était prêt à bombarder le mausolée du grand-père du fondateur de l'Empire ottoman Suleyman Shah situé dans une enclave turque en territoire syrien pour justifier l’entrée en guerre d'Ankara contre Damas.
Le Sultan néo-ottoman Erdogan était donc prêt à détruire un joyau du patrimoine national pour sa propre gloire et indirectement, pour le bien de l’Amérique. Ce n'est pas la première fois qu'un gouvernement turc organise en coordination avec Washington une fausse attaque contre un édifice turc à haute valeur symbolique pour s’en prendre à plus faible que lui.
En 1955, les services secrets turcs perpétrèrent un attentat sous faux drapeau (false flag) contre la maison de Mustafa Kemal Atatürk à Thessalonique en Grèce et accusèrent les communistes turcs d’en être les auteurs. A l’époque, la Turquie était dirigée par Adnan Menderes, un Premier ministre « islamo-conservateur » pro-US. Grâce à cette « stratégie de la tension », les barbouzes turcs et américains cherchaient à justifier leur guerre intérieure contre les communistes turcs.
Des suites de ce faux attentat, les 6 et 7 septembre 1955, des églises grecques et arméniennes, des synagogues, des écoles, des habitations et des commerces furent pillés, incendiés, des hommes furent lynchés en plein cœur d'Istanbul en raison de leur identité religieuse. L'opération fut orchestrée par le Gladio turc, l'armée secrète de l'OTAN alors en guerre contre le « péril communiste ». Justement, Adnan Menderes, l'homme de la CIA des années 50 qui couvrit le pogrome d’Istanbul, est lui aussi érigé en modèle par Recep Tayyip Erdogan.
Le régime d’Ankara en guerre contre les Arméniens de Syrie

Si le plan d'attaque du mausolée ottoman en territoire syrien n'a pas abouti, les Arméniens de Syrie et autres minorités taxées de « mécréance » sont aujourd'hui à nouveau la cible du régime d'Ankara. En effet, dès le premier jour du printemps, des hordes djihadistes venues de Turquie ont envahi Kassab, un village arménien et alaouite situé sur les pentes du Mont Casius au Nord-ouest de la province côtière de Lattaquié. Baptisée « Opération Butin » (Anfal) par les chefs djihadistes, cette nouvelle razzia barbare ne pouvait porter un nom plus explicite.
Pour faciliter l'avancée des envahisseurs djihadistes, l'aviation turque a abattu un MIG 23 syrien qui protégeait Kassab. Erdogan a invoqué une violation de l'espace territorial turc par l'avion syrien pour abattre l'appareil. Or, l'avion est tombé dans la zone de Kassab en Syrie. Le pilote, Thabet Ismail n'est ni Superman ni équipé d'une combinaison genre wingsuit. En sautant en parachute, il a logiquement atterri en Syrie à plusieurs kilomètres à l'intérieur de ses terres.
Le régime d'Ankara a ainsi non seulement agressé la Syrie mais a également offert une couverture aérienne à ses mercenaires. Par exemple, l’Observatoire 45 qui domine la zone montagneuse de Kassab près de Kastal Maaf a été brièvement conquis par la légion étrangère d'Erdogan grâce aux tirs d'artillerie de l'armée turque. Quant aux djihadistes blessés au combat, ils ont été transférés par des militaires turcs vers les hôpitaux de la province turque du Hatay.
Devant l’avancée des djihadistes, les habitants de Kassab et des villages environnants se sont résignés à fuir vers Lattaquié. Seuls quelques Arméniens âgés, sans doute las d'être hantés depuis un siècle par le spectre de l'exode, ont préféré rester.
Ils ont été la cible d'actes de violence et d'humiliation : leurs maisons ont été pillées, leurs crucifix, leurs bouteilles de vin et leurs stocks de viande de porc ont été détruits sous leurs yeux comme le reconnaît le chef de guerre saoudien Abdallah Mhesne (France 24, 26 mars 2014). Quant aux patriotes qui ont résisté à l’assaut djihadiste, ils ont été passés au fil de l'épée. C'est le cas de Nazem Shehadeh. En août dernier, sa mère, son épouse et ses deux garçons ont été enlevés par les terroristes au seul motif qu'ils étaient alaouites. Plusieurs centaines de civils, de militaires syriens ont été tués au cours de l’assaut turco-djihadiste sur le Nord de la province de Lattaquié.
La Syrie, nouveau Vietnam des USA
Il serait naïf de croire que les USA étaient neutres, désintéressés et inexistants dans ce nouvel assaut contre le territoire syrien. Depuis le début de la guerre de Syrie, les forces spéciales étasuniennes et la CIA sont discrètement déployées de part et d’autre de la frontière turco-syrienne.
Du général Paul E. Vallely au sénateur John Mc Cain, toute la vielle garde militaire US ayant combattu au Vietnam a procédé à l'inspection des troupes djihadistes du Nord syrien à partir de la Turquie d'Erdogan. Des dizaines de clichés montrent Vallely et McCain en compagnie de commandants djihadistes en Turquie et en Syrie. Cette présence américaine prouve à suffisance la coopération entre le gouvernement d’Erdogan et l’establishment US dans la guerre contre la Syrie.
Rappelons au passage qu’après l'invasion US de l'Irak, Erdogan s'était déclaré vice-président du Projet du Grand Moyen Orient (« Büyük Ortadogu Projesinin Esbaskaniyim » en turc), le plan de conquête version « soft power » des pays arabes élaboré durant le règne de George Bush.
La révolution colorée de mars 2011 sponsorisée par Washington (on se souviendra de la participation de l’ambassadeur américain en Syrie Robert Ford aux manifestations anti-gouvernementales) ayant été matée par l’Etat syrien, celui-ci est à présent confronté à une insurrection terroriste tout aussi sponsorisée par Washington.
Malgré ses quelques prises de bec médiatisées dues à son tempérament impétueux, le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan s’avère être un proconsul loyal et zélé prêt à recruter tous les psychopathes du globe dans sa campagne militaire contre la Syrie. Des millions de Turcs, d'Arabes et de Musulmans ont vu en Erdogan un héros et un libérateur après son « One Minute » show devant Shimon Peres lors du sommet de Davos en 2009.
En réalité, Erdogan n'a hérité des sultans conquérants que leur arrogance et leur cruauté. Tout le reste n'est que cinéma hollywoodien.

Source : Investig'Action

* Mahdi al-Harati (né vers 1973 à Tripoli en Libye) est un djihadiste irlando-libyen, ayant vécu deux dizaines d'années à Dublin en Irlande où il a épousé une irlandaise et enseignait l'arabe. Il se rend en Libye en 2011 pour fonder et commander en tant que colonel la brigade de Tripoli, entrainé par le Qatar, de l'armée de libération nationale de Libye. voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Mahdi_al-Harati
(ndlr) 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire