jeudi 7 décembre 2017

Le mythe sanglant 

Le mythe sanglant 
la révolution d'Octobre 1917

Europe & Orient n°25


Ed. Sigest, EAN 9782376040064, 12€
SOMMAIRE

Réflexion sur l’identité européenne
Henry Cuny
L’Anneau de Gygès
Varoujan Sirapian
Le mythe sanglant de la Révolution d’octobre 1917
Jean-Michel Vernochet
100 ans après le coup d’État bolchevique
Valérie Bugault
Les vraies raisons du dépeçage d’Alstom
Leslie Varenne
L’Europe face au terrorisme
Jean-Michel Vernochet
L’Allemagne face à son Destin
Charles Gave
Hommage à Konstantin Mitsotakis
Christophe Chiclet
La Communauté de Défense européenne
Tony S. Kahvé
Turquie, l’usure du pouvoir
Uraz Aydin
Les hydrocarbures en Méditerranée orientale
Charalambos Petinos
Les perspectives de l’opposition politique en Turquie
Ali Bayramoğlu
Turquie-Azerbaïdjan, quand le « petit frère » devient presque encombrant
Can Muşlu
New Stalinist Cult in Armenia ?
Hayk Demoyan
Réflexions sur le Moyen-Orient et sur la Syrie en particulier
Général François Cann
Le pays suivant sur la liste ? L’Iran !
James Bamford
La guerre de la sémantique
Georges Corm
La bénédiction syrienne
Michel Raimbaud
Une démonstration des techniques de manipulation des masses
Claude Timmerman
La boule de cristal de Thierry Meyssan
François Belliot
Jean Rochefort
Nikos Lygeros

dimanche 12 novembre 2017

Manipulation des masses


Une démonstration des techniques de manipulation des masses

 Les fiancés de la mort








Ce titre peut paraître déroutant au lecteur peu averti...
Le sous-titre « la stratégie de la terreur globale » est plus explicite. Jean Michel Vernochet – au-delà de données événementielles purement journalistiques – nous fait ici participer à une enquête de fond sur la portée de ce terrorisme moderne, sur ses fondements et sur ses objectifs... Peu d’ouvrages pratiquent ce genre de démarche qui n’est ni aisée ni facile, et en ce sens il est précieux.

Peu d’ouvrages illustrent à ce point cette maxime d’Edward Mandel House dit « colonel House » éminence grise du président Woodrow Wilson :

« La chose la plus difficile au monde est de suivre à la trace n'importe quelle idée jusqu'à sa source ».

Ce livre est une invitation à travers les cas très concrets et emblématiques d’actes terroristes, qui ont ensanglanté le monde depuis près de vingt ans, à rechercher à la fois ce qui les unit et ce qui les produit... et finalement à qui ces actes - qui n’ont rien de spontanés - profitent !Autrement dit, quelle est leur finalité, au-delà des faits bruts et monstrueux, destinés à frapper les peuples et à marquer les esprits, qui mettent en cause des illuminés radicalisés, « Les fiancés de la mort » qui n’apparaissent, après analyse, n’être véritablement que les idiots utiles d’un système très planifié : celui de « la stratégie de la terreur globale ».

Une démonstration précise et brillante qui serait à rapprocher, s’il n’en est pas l’illustration, pour ceux qui s’intéressent aux techniques de manipulation des masses, d’un rapport célèbre aujourd’hui trop peu évoqué : « le Rapport de la Montagne de fer »… À l’origine, c’est Kennedy qui commanda ce rapport à une quinzaine d’universitaires et de membres de la société civile. Son but était de répondre à la question : « Comment s’assurer de l’assujettissement des peuples à leurs gouvernants dans un monde où l’on se trouverait, par surprise, en situation de vivre sous un régime de paix perpétuelle ? ».

La réponse, au bout de cinq ans d’analyses et de recherches, fut ce rapport dont les conclusions firent scandale, au point que l’un des participants, transgressant le secret initialement convenu, le fit publier...

C’est au président Lyndon Johnson, successeur de Kennedy après son assassinat, qu’il fut remis... Les conclusions présentées y sont accablantes : « Rien ne peut remplacer la guerre, qualifiée de moteur de la civilisation, dont la menace comme les effets permettent seuls de garantir l’obéissance des peuples à leurs gouvernants ».

Et ce rapport, après analyse des « bienfaits civilisationnels de la guerre » préconise en cas de situation de « paix par surprise » de créer un ennemi fictif ! Nous sommes bien dans cette situation après la chute du mur de Berlin, depuis plus de vingt ans, où après la diabolisation de feux Saddam Hussein et Muhammar Kadhafi et aujourd’hui celle - qui peine à se valider - de Bachar el-Assad, nous avons assisté à la montée en puissance de mouvements terroristes, portés par l’idéologie wahhabite, créés notamment sous l’égide de Ben Laden lui-même l’homme des services spéciaux pakistanais dont les liens avec la CIA ne sont plus à démontrer ni même à établir.

C’est toute cette stratégie de la terreur dont les instigateurs « aux mains propres » - ceux de l’axe atlanto-européiste qui financent, arment, voire même encadrent ces groupes terroristes - sont les réels bénéficiaires, que Jean Michel Vernochet nous permet de découvrir ici... C’est un constat effrayant, dont le talent de l’auteur nous permet de prendre pleinement conscience.



Claude Timmerman
Biologiste 
Ancien conseiller de gouvernements africains

paru chez éditions Sigest 2017



samedi 14 octobre 2017

Soutien à Ara Toranian


La revue Europe & Orient soutient ARA TORANIAN



Le 17 octobre 2017 à 13h va comparaître pour diffamation devant la 17e chambre correctionnelle du TGI de Paris Ara TORANIAN, directeur des " Nouvelles d'Arménie Magazine".

La rédaction de " Europe & Orient " se joint aux nombreux soutiens d'Ara TORANIAN et appelle ses lecteurs et leurs amis à être présents nombreux lors du procès, pour que, enfin, la négation du génocide des Arméniens soit reconnue par la justice française, mettant fin à ces infâmes attaques à la mémoire de 1,5 millions victimes ainsi qu'aux descendants des rescapés du Medz Yeghern.



A Alfortville, le 14 Octobre 2017
La rédaction de l'Europe & Orient

mardi 3 octobre 2017

How Turkey Destroyed or Disposed Its Historical Archives


How Turkey Destroyed or Disposed Its Historical Archives and Documents




By Harut Sassounian

Publisher, The California Courier

www.TheCaliforniaCourier.com





For several decades, the Turkish government and its propagandists have been announcing that the state documents, particularly the Ottoman archives, are fully open and available to any researcher from around the world.

What Turkish officials and their supporters do not say is that many documents of the Ottoman archives have been removed, destroyed, sold or disposed of. In addition, some of the most sensitive archives are still closed to outsiders.

Last month, Turkish journalist Uzay Bulut posted a revealing article, “TurkeyUncensored: A History of Censorship and Bans” on the PhilosProject.org website regarding the status of Turkish archives and documents going back to several centuries. Ms. Bulut is free to expose such secrets because she no longer lives in Turkey. She is currently based in Washington, D.C.

In Turkey today, Wikipedia’s website is blocked by governmental order because Wikipedia refused to delete articles revealing that the Turkish authorities are supporting the Islamic State terrorists. Furthermore, 127,000 websites and 95,000 individual Web pages are blocked by Turkey, according to journalist Bulut.

This modern-day banning of thousands of websites is the continuation of Ottoman Sultan Bayazid II’s decree of 1485 A.D. imposing the death penalty on anyone printing books in Turkish or Arabic. The ban remained for more than two centuries, Bulut reported. “That prohibition is widely cited by historians as one of the major reasons for the intellectual and scientific collapse of Islam at the dawn of the industrial revolution.”



The Turkish Republic, during the rule of its founder Kemal Ataturk as of 1923, continued the tradition of censorship by banning “at least 130 newspapers, magazines and books, according to Mustafa Yilmaz and Yasmin Doganer’s book, 'Censor During the Republican era (1923-1973).’” Turkey’s second Prime Minister (1950-1960), Adnan Menderes, banned 161 publications, according to Bulut.

Returning to archival censorship, Bulut quoted Turkish-Jewish historian Rifat Bali who “explained the history of disposed or destroyed state archives in his 2014 book, ‘The Story of Destruction of Plundering: Printed or Written words, Dead Letters, Archives Thrown Out (or Sold) for Scrap.’ …The archives of many political parties, the Senate, and several other governmental or non-governmental institutions in Turkey are either closed to public use or no longer exist.” According to Bali, “the archives of the political parties closed down during the September 12, 1980 coup d’état were sent to SEKA (Cellulose and Paper Factories) as scrap paper.”

The Republican People’s Party’s (CHP) archive is the most important one because it is the party of the founding years of the Republic. As Bali wrote: “Some say it [the archive] was burnt. Some say it was thrown away on September 12. Some say, no it hasn’t been thrown away. It is here. So it is a mystery today. A large part of the archive is nonexistent.”

In addition, Bali reported that “the archives of the presidency, the National Intelligence Organization (MIT) and the Ministry of the Interior are closed.” Interestingly, Bali noted the strange story of how “confidential documents of the Ministry of Foreign Affairs were found at a scrap dealer in Ankara in 1998. For the ministry had sold 15 steel safes to a scrap dealer. It was then understood that the ministry sold the safes because of a lack of space at the ministry without even looking what was inside them.”


Bali also reported in his book several other examples of the destruction of important documents:

-- “Many of the Turkish Institute of History’s documents – including a letter by Ataturk – have been thrown away;”

-- “All minutes of the proceedings of the Senate that was established with the 1961 constitution and remained active until the September 12, 1980 coup d’état were sent to the Cellulose and Paper Factories (SEKA);”

-- “When the state-funded Presidency of Religious Affairs (Diyanet) moved to a new building in 1965, its authorities said that ‘old documents do not fit a new building’ and sent some of the documents of the archives to SEKA;”

-- “When a shortage of paper emerged at SEKA in 1980s, state institutions were called on to send their old papers to the factory. Many archives at institutional level were thus gone;”

-- As recently as 2013, Turkish National Library's old books in Greek, Hebrew, and Syriac were sold by the ton, “as there were no librarians who could read in those languages.”

As an investigative Journalist Uzay Bulut concluded: “with so much information withheld from the Turkish public, state propaganda has created masses who blindly follow whatever state authorities − who have lost their moral compass and never object or speak out even when they see brutal violations of human rights, who do not respect differing opinions or the right to dissent, and who promote an extremely inaccurate version of history – have to say.”



The next time Turkish government propagandists write “our archives are open,” you can send them a copy of this article, the revelations of which from distinguished Turkish journalist Uzay Bulut will shut them up!


mardi 1 août 2017

Macron-Libye : la Rothschild Connection

Macron-Libye : la Rothschild Connection

Manlio Dinucci

“Ce qui se passe aujourd’hui en Libye est en quelque sorte le noeud d’une déstabilisation à multiples visages” : a déclaré le président Macron en célébrant à l’Élysée l’accord qui “trace la feuille de route pour la paix et la réconciliation nationale”.
  
Macron attribue la situation chaotique du pays uniquement aux mouvements terroristes, lesquels “visent à profiter de la déstabilisation politique et de la manne économique et financière qui peut exister en Libye pour prospérer”. Pour cela -conclut-il- la France aide la Libye à bloquer les terroristes. Macron renverse, de cette façon, les faits. L’artisan de la déstabilisation de la Libye a précisément été la France, avec les États-Unis, l’Otan et les monarchies du Golfe.
 
En 2010, documente la Banque mondiale, la Libye enregistrait en Afrique les plus hauts indicateurs de développement humain, avec un revenu par habitant moyen-haut, l’accès universel à l’instruction primaire et secondaire et de 46 % à l’enseignement supérieur. Environ 2 millions d’immigrés africains y trouvaient du travail. La Libye favorisait par ses investissements la formation d’organismes économiques indépendants de l’Union africaine.
 
Usa et France - prouvent les emails d’Hillary Clinton - s’accordèrent pour bloquer le plan de Kadhafi de créer une monnaie africaine, en alternative au dollar et au franc Cfa (monnaie que la France impose à 14 de ses ex-colonies africaines). Ce fut Clinton - documente le New York Times - qui fit signer au président Obama “un document qui autorisait une opération secrète en Libye et la fourniture d’arabes (sic - d'armes?) aux rebelles”, y compris des groupes jusque là classifiés terroristes.
  
Peu après, en 2011, l’Otan sous commandement USA démolissait par la guerre (ouverte par la France) l’État libyen, en l’attaquant aussi de l’intérieur avec des forces spéciales. D’où le désastre social, qui fera plus de victimes que la guerre elle-même surtout chez les migrants.
 
Histoire que Macron connaît bien : de 2008 à 2012 il fait une fulgurante (autant que suspecte) carrière à la Banque Rothschild, l’empire financier qui contrôle les banques centrales de quasiment tous les pays du monde. En Libye, la Banque Rothschild débarque en 2011, tandis que la guerre est encore en cours. Les grandes banques étasuniennes et européennes effectuent en même temps la plus grande rapine du siècle, en confisquant 150 milliards de dollars de fonds souverains libyens. Dans ses quatre années de formation chez Rothschild, Macron est introduit dans le gotha de la finance mondiale, où se décident les grandes opérations comme celle de la démolition de l’État libyen. Il passe ensuite à la politique, faisant une fulgurante (autant que suspecte) carrière, d’abord comme vice-secrétaire général de l’Élysée, puis comme ministre de l’économie. En 2016 il crée en quelques mois son parti, En Marche !, un “instant party” soutenu et financé par de puissants groupes multinationaux, financiers et médiatiques, qui lui ouvrent la voie à la présidence. Derrière le protagoniste, Macron, ne se trouvent donc pas seulement les intérêts nationaux français. Le butin à partager en Libye est énorme : les plus grandes réserves pétrolifères africaines et de grosses réserves de gaz naturel ; l’immense réserve d’eau fossile de la nappe nubienne, l’or blanc en perspective plus précieux que l’or noir ; et le territoire libyen lui-même de première importance géostratégique à l’intersection entre Méditerranée, Afrique et Moyen-Orient.
  
Il y a “le risque que la France exerce une forte hégémonie sur notre ex-colonie”, prévient Analisi Difesa, en soulignant l’importance de l’imminente expédition navale italienne en Libye. Un appel à l’”orgueil national” d’une Italie qui réclame sa part dans la partition néo-coloniale de son ex-colonie.



Edition de mardi 1er août 2017 de il manifesto
https://ilmanifesto.it/macron-libia-la-rothschild-connection/


dimanche 30 juillet 2017

Réponse de F. Belliot à N. Henin

François Belliot répond à Nicolas Hénin

Ayant pris connaissance d'un tweet de Nicolas Hénin (29.07.2017), au sujet de son livre sur la guerre en Syrie* François Belliot a voulu réagir à celui-qui traitait son ouvrage, pourtant bien documenté et pas contesté à ce jour, de "papier toilette". (M. Hénin a, depuis, supprimé ce tweet. Mais des traces restent).


Ces tweets me replonge dans mes chère études d'il y a quatre ans, et je relis cet interviou du père Paolo de mai 2013, qui avec plus de recul me semble encore plus hallucinante qu'elle m'avait paru à l'époque. Notez les éléments de langage...
http://www.lavie.fr/actualite/monde/paolo-dall-oglio-un-pretre-engage-pour-la-revolution-en-syrie-07-05-2013-39963_5.php
Particularité de Nicolas Hénin, avoir été pris en otage à Racca le 22 juin 2013, un mois avant les tentatives de tractations de Père Paolo avec l'E.I. dans la même ville qui entraîneront son plus que probable assassinat.

Libéré le 18 avril 2014, dans des circonstances confuses, il aurait partagé la geôle de James Foley et croisé Mehdi Nemmouche.
Fait curieux, après sa libération, il continue de pourfendre sans relâche le régime d'Assad et trouve des excuses aux gens de l'E.I. et aux radicalisés. 

Cet article de l'OJIM souligne bien les contradictions du personnage: https://www.ojim.fr/portraits/nicolas-henin-ou-le-syndrome-de-stockholm-persistant/
 
Extrait:

"Depuis, Nicolas Hénin poursuit sa carrière de journaliste, mais de façon nettement moins brillante. Sorte de consultant hybride, à mi-chemin entre le rescapé de service et l’expert régional, il distille de plateaux télévisés en colonnes de journaux ses avis qui se veulent pertinents et nuancés au sujet du conflit syrien et du monde arabe, mais qui sont en réalité des reprises absolument simplistes et peu subtiles du discours inflexible du quai d’Orsay, lui-même tout sauf éclairé. Fustigeant sans relâche le régime Assad, dont il n’a pourtant pas été captif, il se place dans la droite lignée du troupeau des « Charlie », toujours prêts à réagir au terrorisme par de vagues élans humanitaristes aux accents masochistes. Se refusant à tout discours de fermeté militaire, diplomatique ou simplement idéologique vis-à-vis du djihadisme islamiste, il prône plutôt un droit-de-l’hommisme victimaire visant à trouver des excuses culturelles et sociales aux radicalisés français, et à réaffirmer l’existence d’une opposition modérée au régime Assad, pourtant fantomatique sur le théâtre des opérations."



François Belliot
30.07.2017


*  Guerre en Syrie - Le mensonge organisé des médias et des politiques français, F. Belliot, 2015, Sigest.
Guerre en Syrie - Vol.1



samedi 22 juillet 2017

Un témoignage allemand sur les atrocités arméniennes

Sigest va publier fin 2017 une nouvelle édition du livre/document d'Arthur Beylerian. 
Les Grandes puissances, l'Empire ottoman et les Arméniens dans les archives françaises (1914-1918), Publié à l'origine aux Publications de la Sorbonne en 1983

En attendant, nous présenterons dans ces pages quelques extraits. (c) Sigest
 
Un témoignage allemand sur les atrocités arméniennes*
 
Les Basler Nachrichten publient la lettre suivante, adressée par quel­ques professeurs de l’école allemande d’Alep en Syrie à l’Office des Affaires étrangères de Berlin.
« Il nous paraît être de notre devoir d’attirer l’attention de l’Office des Affaires étrangères sur le fait que notre œuvre scolaire manquera désormais de base morale et perdra toute autorité aux yeux des indigè­nes, si le gouvernement allemand est effectivement hors d’état d’adoucir la brutalité avec laquelle on procède ici contre les femmes et les enfants expulsés des Arméniens tués.
« En présence des scènes d’horreur qui se déroulent chaque jour sous nos yeux à côté de notre école, notre travail d’instituteurs devient un défi à l’humanité. Comment pouvons-nous faire lire à nos élèves arméniens les contes des sept nains, comment pouvons-nous leur appren­dre à conjuguer et à décliner, quand, dans les cours voisines de notre école, la mort fauche leurs compatriotes mourant de faim ! Quand des jeunes filles, des femmes, des enfants. presque nus, les uns gisant sur le sol, les autres couchés entre des mourants ou des cercueils déjà préparés, exhalent leur dernier souffle !
« Des 2 000 à 3 000 paysannes de la Haute-Arménie amenées ici en bonne santé, il reste 40 à 50 squelettes. Les plus belles sont les victimes de la lubricité de leurs gardiens. Les laides succombent aux coups, à la faim, à la soif ; car, étendues au bord de l’eau, elles n’ont pas la permission d’étancher leur soif. On défend aux Européens de distribuer du pain aux affamées. On emporte chaque jour d’Alep plus de cent cadavres.
« Et tout cela se passe sous les yeux de hauts fonctionnaires turcs. 40 à 50 fantômes squelettiques sont entassés dans la cour vis-à-vis de notre école. Ce sont des folles ; elles ne savent plus manger ; quand on leur tend du pain, elles le jettent de côté avec indifférence. Elles gémis­sent en attendant la mort.
« Voilà, disent les indigènes, Ta-â-lim et Alman (l’enseignement des Allemands).
« L’écusson allemand risque de rester irrémédiablement taché dans le souvenir des peuples d’Orient. Quelques habitants d’Alep, plus éclairés que les autres, disent : « Les Allemands ne veulent pas ces horreurs, Peut-être le peuple allemand les ignore-t-il ? Sinon, comment les journaux allemands, amis de la vérité, pourraient-ils parler de l’humanité avec laquelle sont traités les Arméniens coupables de haute trahison ? Peut-être aussi, le gouvernement allemand a-t-il les mains liées par un contrat réglant les compétences mutuelles des États ?
« Non, quand il s’agit de livrer à la mort par la faim des milliers de femmes et d’enfants, les mots d’ « opportunisme » et de « compétence » n’ont plus de sens. Tout civilisé est compétent dans ce cas et a le devoir sacré d’intervenir. C’est notre prestige en Orient qui est en jeu. Même des Turcs et des Arabes restés humains secouent avec tristesse la tête lorsqu’ils voient, dans les convois qui traversent la ville, les soldats brutaux accabler de coups de fouet des femmes enceintes qui ne peuvent plus avancer.
« On peut s’attendre encore à de plus horribles hécatombes humai­nes, d’après l’ordonnance publiée par Djemal pacha. (Il est interdit aux ingénieurs du chemin de fer de Bagdad de photographier les convois d’Arméniens ; les plaques utilisées doivent être livrées dans les 24 heures, sous peine de poursuites devant le conseil de guerre). C’est une preuve que les autorités influentes craignent la lumière, mais ne veulent point mettre fin à ces scènes déshonorantes pour l’humanité.
« Nous savons que l’Office des Affaires étrangères a reçu déjà, d’autre part, des descriptions détaillées de ce qui se passe ici. Mais, comme aucun changement ne s’est produit dans le système des déportations, nous nous sentons doublement obligés à ce rapport, d’autant plus que notre situation à l’étranger nous permet de voir plus clairement l’immense danger qui menace ici le nom allemand ».
 
(A.M.A.E., Guerre 1914-1918, Turquie, tome 888, f. 64).



* Article paru dans le Journal de Genève du 17 août 1916, n° 227.

vendredi 23 juin 2017

LA MUSIQUE DU TEMPS



LES HEURES DE SABLE
de Henry Cuny



LA MUSIQUE DU TEMPS



A la conquête du temps perdu, le huitième roman d’Henry Cuny retrace le rajeunissement de son personnage. Noé commence son introspection à 50 ans ; il la finit à la vingtaine. Il avance ainsi à rebours pour réaliser l’inaccompli : devenir le pianiste talentueux qu’il n’a jamais été. Il navigue ainsi de souvenir en souvenir, de gamme en gamme, déterrant les amours oubliées d’une existence passée.
Un exercice cathartique, mais qui a un prix : « Il venait de découvrir que rajeunir signifiait défaire, dénouer, dissoudre. » Remonter le cours du temps et subir une « désarticulation intérieure » - désécrire sa vie...


Dans ce roman poétique, le héros et le texte prennent corps en musique. Harmonieuse, la phrase déploie avec grâce les réminiscences de l’artiste. Henry Cuny accompagne ainsi le lecteur dans « une réalité plus belle que le rêve, celle du temps qui meurt pour nous féconder». Parce que cette quête invite chacun, telle la petite phrase de Vinteuil dans la Recherche, à explorer les rameaux de son existence pour se redécouvrir.

LINA KORTOBI
Les heures de sable, d’Henry Cuny
Pierre-Guillaume de Roux, 256 p. 23 Euros


Le Monde, vendredi 23 juin 2017(Le Monde des Livres, p. 4)