vendredi 21 août 2020

Turquie : une autre église transformée en mosquée

 L'église Saint-Sauveur-in-Chora transformée en mosquée

Après avoir transformé en mosquée l’ancienne basilique Sainte-Sophie d’Istanbul, le président islamiste turc Recep Tayyip Erdogan a décrété le 20 août 2020 le même sort pour un autre monument célèbre de l’art byzantin: l’église de Saint-Sauveur-in-Chora à Istanbul.

Saint-Sauveur-in-Chora à Istanbul


Connue du grand public sous le nom de Kariye Camii (Mosquée Kariye), musée depuis 1948, l’église de Saint-Sauveur-in-Chora du XIe siècle figure comme Sainte-Sophie sur la Liste du patrimoine mondial de l’UNESCO.

Les islamistes turcs ont déjà retransformé en mosquées diverses églises historiques, comme en 2011 l’église Sainte-Sophie, alors un musée, à Iznik (anciennement Nicée), où se tint en 787 le second Concile de Nicée.

Selon Bulletin de Cath-Info du 6 août 2020, les fines mosaïques et ses fresques de l’église de Saint-Sauveur-in-Chora, datant en grande partie des XIIIe et XIVe siècles, représentent différentes étapes de la vie de Jésus, de Marie, divers saints de l’Eglise et d’importants personnages de l’époque byzantine. Ce monument, bâti au XIe siècle en forme de croix grecque, est considéré comme un des plus beaux exemples d’église byzantine.

Ce monument, situé dans le district stambouliote d’Edirnekapi (anciennement ‘Porte d’Andrinople’) fut un monastère orthodoxe jusqu’au XVème siècle. Cette église abrita, lors du siège par Mehmet II en 1453, une icône de la Vierge censée protéger la capitale byzantine des assaillants ottomans. Mais l’église fut pillée, l’icône détruite, avant d’être transformée plus tard en lieu de culte musulman.

Les superbes mosaïques de Saint-Sauveur-in-Chora furent alors recouvertes de chaux quand l’église fut convertie en mosquée entre 1495 et 1511 par l’eunuque Atik Ali Pacha, grand vizir de Beyazit II, huitième sultan ottoman. Un minaret fut ajouté à l’édifice.

Passée largement inaperçue – sauf en Russie, mais surtout en Grèce voisine, qui veille sur le patrimoine byzantin présent sur sol turc – une décision de novembre 2019 du Conseil d’Etat turc (le Danıştay) réaffectait Saint-Sauveur-in-Chora au culte musulman. Le Danıştay abrogeait ainsi l’ordonnance de 1945 transformant l’ancienne église byzantine en musée.

Chef du parti islamo-conservateur, le Parti de la justice et du développement (AKP), le «sultan» Erdogan porte depuis des années l’ambition de récupérer Sainte-Sophie, qui fut pendant un millénaire la plus grande basilique chrétienne dans le monde et, avant la conquête ottomane, le siège du Patriarcat oecuménique, sachant qu’une telle mesure fortifierait sa base électorale dans les milieux islamistes.

Sans oublier qu’il s’est senti humilié l’an dernier par son pire revers électoral en 17 ans: la défaite de son candidat à la mairie d’Istanbul, l’ancien Premier ministre Binali Yildirim, de l’AKP.

La «prise» de Sainte-Sophie sonne pour Erdogan comme une revanche, lui qui fait vibrer à chaque occasion la fibre nationaliste turque, affirmant que «l’ouverture au culte de la mosquée Sainte-Sophie est une question interne de la Turquie», que c’est «le symbole de la conquête d’Istanbul, là où le sultan ottoman Mehmet II le Conquérant a fait la première prière du vendredi après avoir conquis la ville!»

«Sainte-Sophie et Kariye Camii (monastère de Chora) sont la propriété de la Turquie, et toute décision les concernant relève des affaires intérieures de la Turquie. Les décisions prises ou à prendre ne relèvent pas de la responsabilité des autres pays», a martelé pour sa part Hami Aksoy, porte-parole du ministère turc des Affaires étrangères.

Il répondait ainsi aux «graves inquiétudes» américaines exprimées dans le rapport 2020 de la Commission des Etats-Unis pour la liberté religieuse dans le monde (USCIRF), qui a placé la Turquie sur sa Liste de surveillance spéciale (SWL). 

Et le ministre turc des Affaires étrangères Mevlüt Çavuşoğlu, cofondateur de l’AKP, de marteler à son tour que Kariye Camii, tout comme Sainte-Sophie, «ce n’est pas l’affaire d’autres pays, c’est une question de souveraineté nationale!»


Source : https://www.info-turk.be


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