JOURNAL LE MONDE
Il faut en finir avec le régime d’Ilham Aliev en Azerbaïdjan
Ilham Aliev et son épouse |
Le Monde.fr
paru le 02.09.2014
Par Arlette Grosskost (Député UMP), François Pupponi (Député PS) et François Rochebloine (Député UDI)
La décapitation par l’Etat islamique du journaliste
américain James Foley a déclenché à juste titre une réprobation
internationale. La plupart des grands médias ainsi que les principaux
réseaux sociaux ont immédiatement indiqué qu’ils censureraient les
images de l’exécution, au nom de la dignité du journaliste assassiné et
afin de ne pas faire de « publicité » à l’organisation criminelle qu’est
l’Etat islamique.
Quelques jours auparavant, une exécution somme toute similaire s’est
déroulée. Elle a également été dûment filmée par les nervis du régime au
nom duquel elle a été perpétrée. Elle est visible sur les réseaux
sociaux. La victime était également un civil et ses bourreaux n’avaient
même pas l’excuse de pouvoir le considérer comme un propagandiste
ennemi. Il est vrai que - avant de le mettre à mort - ils ont pris soin
d’affubler leur prisonnier - capturé en jean et en baskets - d’un
treillis militaire afin de le présenter comme un agent des forces
spéciales adverses.
Cette autre victime de la barbarie se nommait Karen
Petrosyan, C’était un paysan arménien et il a été assassiné en direct et
sans formalité par des soldats de l’armée azerbaïdjanaise. Les
circonstances de son rapt ne sont pas claires et il est fort possible
qu’il ait même été enlevé en territoire arménien. Cet épisode a
constitué le point culminant de nombreuses escarmouches entre les forces
armées arméniennes, azerbaïdjanaises et karabaghiotes sur la ligne de
front séparant l’Arménie et le Haut-Karabagh de l’Azerbaïdjan. Ces
manœuvres délibérément provoquées par le régime de Bakou avaient pour
objectif manifeste de mettre sous pression la partie adverse à la veille
d’un énième round de négociations entre les présidents Aliev et
Sarkissian à Sotchi à propos de la République autodéterminé du
Haut-Karabagh. Elles ont fait une trentaine de victimes de part et
d’autre de la ligne de front.
Réagissant au meurtre de James Foley, le président
Barack Obama a déclaré que l’Etat islamique était un « cancer » qui
« n’a aucune place au XXIe siècle ». Il ne viendrait semble-t-il à
personne l’idée de demander aux Irakiens ou au Syriens - qu’ils soient
Musulmans, Chrétiens ou Yézidis - d’accepter la férule sanguinaire de
l’Etat islamique. A l’inverse, certains diplomates impavides semblent
considérer que la République du Haut-Karabagh, peuplée d’Arméniens,
devraient retourner sous le joug de l’Azerbaïdjan, un joug duquel elle
s’est libérée voici 20 ans aux termes d’une guerre de décolonisation.
Cela ne peut en aucun cas être l’objet des négociations en cours. Que
cela soit clair pour tous : on ne peut demander aux citoyens d’un Etat
démocratique comme le Karabagh de réintégrer le giron d’une dictature
comme l’Azerbaïdjan, surtout quand le président de celle-ci déclare que
les Arméniens - où qu’ils résident dans le monde - sont les ennemis de
son pays.
Le régime d’Ilham Aliev est en effet l’un des plus
répressifs de la planète. Régulièrement classé au ban de la communauté
internationale par des organisations telles qu’Amnesty International,
Human Rights Watch ou Reporters sans Frontières, le régime
azerbaïdjanais constitue une menace pour ses propres citoyens, même
ethniquement azéris, comme l’attestent encore les récentes arrestations
arbitraires de Leyla et Arif Yunus ou de Rasuf Jafarov. Dans ces
conditions, on imagine sans peine le sort qui attendrait les Arméniens
du Haut-Karabagh, sort qu’ils ont déjà éprouvé dans les années 1990 où
les pogroms organisés par le régime azerbaïdjanais les ont conduits à
ériger leur propre Etat indépendant.
Ce qui est clair également - et nous le déplorons -
c’est que les négociations actuelles entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan
sont probablement vouées à l’échec. D’une part parce que ces
négociations se déroulent en l’absence de ceux qu’elles concernent au
premier chef, les citoyens du Haut-Karabagh et leurs représentants
démocratiquement élus. D’autre part, en raison de l’attitude inflexible
du régime d’Ilham Aliev qui entend revenir aux frontières coloniales
instaurées par le pouvoir stalinien, en dépit de la guerre déclenchée et
perdue par son pays et de son attitude inacceptable dont témoigne
encore l’assassinat de Karen Petrosyan ; Un assassinat qui constitue un
crime de guerre et qui justifierait à lui seul de la poursuite d’Ilham
Aliev devant une juridiction internationale.
Arlette Grosskost (Député UMP)
François Pupponi (Député PS)
François Rochebloine (Député UDI)
Création d’un Cercle d’amitié France-Karabakh
Les trois députés signataires de cette tribune sont
membres du Cercle d’amitié France-Karabagh, créé le 19 mars 2013 à
Paris. Il regroupe aujourd’hui une trentaine de responsables politiques
(députés, sénateurs, maires et autres élus) représentant les grands
partis politiques français. Le Cercle a pour objectif de soutenir
l’action du Groupe de Minsk de l’OSCE, de sécuriser les peuples de la
région, de rompre l’isolement international du peuple du Haut-Karabagh
et de favoriser un espace de dialogue et d’échanges entre les peuples du
Caucase du Sud.