Vers un coup d’État Institutionnel ?
Par Philippe AUBERGER
Membre honoraire du Parlement
Ancien Rapporteur général du Budget à l’Assemblée
Nationale
A la demande de mes proches, j’ai préparé ce message que
vous pouvez largement diffuser auprès de vos amis et sur les réseaux sociaux.
Pourquoi l’ouverture d’une information judiciaire contre
X, qui vise en fait M. et Mme. Fillon et leurs enfants ne peut prospérer ?
Le Parquet national financier (PNF) a décidé d’ouvrir une
information judiciaire pour « détournement de fonds publics, abus de biens
sociaux et recel, trafic d’influence et manquement aux obligations de
déclaration à la Haute Autorité sur la transparence de la vie publique ». Je
note que dans cette incrimination il n’est nullement question d’emploi fictif.
1° Détournement de fonds publics.
Il n’y a pas eu de détournement de fonds publics : pour
qu’il y ait détournement, il faut que François Fillon ait pu librement disposer
de ces fonds, ce qui n’est pas le cas. Les fonds destinés à rémunérer les
assistants parlementaires sont des fonds budgétaires : l’Assemblée Nationale
les vote sous le titre 1 « Pouvoirs publics » dans la loi de Finances. Elle en
a ensuite la libre disposition et elle seule. Elle décide de l’utilisation de
ces crédits, selon ses propres règles dont elle assure elle-même le contrôle.
Elle paie les crédits, sur les indications du député qui choisit librement ses
assistants parlementaires. Jamais ces fonds ne sont détenus, à aucun moment,
par le parlementaire lui-même.
Ces fonds ne sont pas des « fonds publics », au sens de la
législation budgétaire et financière. Ces fonds ne sont pas soumis aux règles
de la comptabilité publique, ils ne sont pas payés par un agent comptable
public (le payeur de l’Assemblée n’appartient pas à cette catégorie) et leur
emploi ne relève pas du contrôle de la Cour des Comptes. Les comptes de l’Assemblée
Nationale font l’objet d’un examen annuel d’une Commission des Comptes ad hoc
au sein de l’Assemblée.
Dès lors, on ne peut parler ni de détournement, ni de
fonds publics, l’incrimination de détournement de fonds publics ne résiste pas
à l’analyse juridique, ni même celle de recel.
Il n’y a aucune possibilité pour l’institution judiciaire
de contrôler l’emploi de ces fonds, du fait de la séparation des pouvoirs,
pouvoir parlementaire d’une part, pouvoir judiciaire d’autre part : c’est au
Bureau de l’Assemblée Nationale de fixer les règles d’utilisation des crédits,
c’est à lui et à lui seul d’en contrôler l’application. C’est un principe
constitutionnel. Ces règles s’imposent à tous, y compris à l’Autorité
judiciaire.
La situation est très différente d’une situation d’emplois
fictifs comme l’affaire des emplois fictifs de la Ville de Paris : en effet
dans ce dernier cas, les règles de la comptabilité publique s’appliquent, les
sommes sont versées par un comptable public et le contrôle est assuré par la
Chambre régionale des Comptes.
Il n’y a qu’un cas où, à ma connaissance, la justice
pourrait être saisie : si le Bureau de l’Assemblée Nationale décidait de porter
plainte pour escroquerie, ce qui n’est manifestement pas le cas ici.
2° Trafic d’influence et manquement aux obligations de
déclaration.
Cela vise, à ma connaissance, les activités de conseil que
François Fillon a pu exercer dans un passé récent. Saisi par les députés
écologistes, le Médiateur de l’Assemblée Nationale, qui est chargé par le
Bureau de l’Assemblée des problèmes de déontologie, vient de répondre aux
intervenants qu’il avait examiné soigneusement le dossier et qu’il n’y avait
aucun manquement au regard de la législation sur les conflits d’intérêt (rappel
: législation dite Cahuzac !). Dès lors comment les juges d’instruction
pourraient-ils déclarer le contraire ?
3° Abus de biens sociaux et recel.
Il s’agit, à ma connaissance, de l’affaire dite « de la
revue des Deux Mondes ». La revue des Deux Mondes est, depuis des lustres, la
propriété d’une personne physique. Dans ce cas, elle peut exercer librement
cette propriété et salarier qui elle veut, quand elle veut, sans que l’on
puisse parler d’abus de bien social ou de recel.
Conclusion.
Sur la base des faits connus, la Justice ne dispose
d’aucun moyen juridique pour mettre en examen M. et Mme. Fillon. Si elle avait
ces moyens, elle aurait fait une citation directe en correctionnelle au lieu de
faire traîner l’affaire à loisir, de mobiliser trois juges d’instruction et de
manipuler l’opinion publique à coup de communiqués de presse.
Ce qui est plus grave, c’est qu’elle est encouragée dans
cette manipulation par le Garde des sceaux, lequel était auparavant Président
de la Commission des Lois de l’Assemblée Nationale et à ce titre gardien de
notre Constitution et du Règlement de l’Assemblée ; or il sait parfaitement que
l’Assemblée est totalement libre de l’utilisation des fonds budgétaires qu’elle
vote et que l’Autorité judiciaire n’a aucun pouvoir de contrôle en ce domaine.
Il s’agit en définitive d’une opération délibérée
d’instrumentalisation de la Justice, afin de perturber gravement la campagne
présidentielle de celui qui a obtenu le soutien de millions d’électeurs lors de
la primaire de la droite et du centre. C’est une atteinte insupportable à
l’exercice libre et démocratique de l’expression du suffrage universel,
laquelle est garantie par la Constitution. En aucun cas, nous ne pouvons, nous
ne devons l’accepter.
04.03.2017