mardi 18 mai 2021

Je résisterai

 Je résisterai

Je perdrai peut-être – si tu le désires – ma subsistance

Je vendrai peut-être mes habits et mon matelas

Je travaillerai peut-être à la carrière comme porte faix, balayeur des rues

Je chercherai peut-être dans le crottin des grains

Je resterai peut-être nu et affamé

Mais je ne marchanderai pas

O ennemi du soleil

Et jusqu'à la dernière pulsation de mes veines

Je résisterai.


Je résisterai

Tu me dépouilleras peut-être du dernier pouce de ma terre

Tu jetteras peut-être ma jeunesse en prison

Tu pilleras peut-être l'héritage de mes ancêtres

Tu brûleras peut-être mes poèmes et mes livres

Tu jetteras peut-être mon corps aux chiens

Tu dresseras peut-être sur notre village l'épouvantail de la terreur

Mais je ne marchanderai pas

O ennemi du soleil

Et jusqu'à la dernière pulsation de mes veines

Je résisterai.


Tu éteindras peut-être toute lumière dans ma vie

Tu me priveras peut-être de la tendresse de ma mère

Tu falsifieras peut-être mon histoire

Tu mettras peut-être des masques pour tromper mes amis

Tu élèveras peut-être autour de moi des murs et des murs

Tu me crucifieras peut-être un jour devant des spectacles indignes

O ennemi du soleil

Je jure que je ne marchanderai pas

Et jusqu'à la dernière pulsation de mes veines

Je résisterai.


Samih al-Qâsim 

(1939/2014)