Les Alévis demandent pardon aux Arméniens !
Pendant des siècles, les anciens peuples d’Anatolie ont
partagé un destin commun. Ils se sont nourris à la même terre, se sont
abreuvés à la même eau, ont respiré le même air et se sont épanouis sous
un même soleil.
Mais cette harmonie entre Alévis, Arméniens, Kurdes,
Grecs, Assyro-Chaldéens a été mise à mal par ceux qui, faisant fi de la
richesse culturelle, linguistique et confessionnelle de ces terres,
n’ont eu de cesse de vouloir effacer ces diversités par le biais de
politiques assimilationnistes souvent exercées de façon brutale. Ils ont
noyé le pays dans le sang et les larmes.
Sombres années au cours desquelles, il y a cent ans de
cela, soldats et bandes armées ont déporté et massacré les Arméniens et
les Assyro-Chaldéens. Les maladies, la faim et la soif ont ouvert chez
ces peuples d’Anatolie des plaies béantes et conduit à bien des
traumatismes.
Ces voisins, que nous avions côtoyés lors de nos fêtes
de mariage, de nos funérailles, malades ou sains, nous leur avons porté
secours. En dépit de maintes difficultés, nous avons tout mis en oeuvre
pour les soustraire à leurs tourmenteurs. Nous ne les avons pas livrés
aux bourreaux. Malheureusement, nous n’avons pu tous les sauver. Nous
n’avons pu éviter le génocide des Arméniens.
Et nous portons encore en nous la souffrance de n’avoir
pu le faire. Nous, Alévis, demandons à nos voisins, à nos frères, de
bien vouloir nous pardonner pour cela.
Vous qui nous aviez prévenus que notre tour viendrait
après le vôtre, veuillez nous accorder votre pardon. Veuillez nous
accorder votre pardon pour Hrant Dink dont nous n’avons pu empêcher le
lâche assassinat.
Nous avons rencontré le visage de vos bourreaux et nous
avons éprouvé votre douleur : à Dersim, Maraş, Çorum, Sivas, Gazi et
Gezi.
Nous vous demandons pardon alors que nous ne sommes pas
vos tortionnaires, alors que nous ne sommes pas les auteurs de ce
génocide sans nom. Sachez que nous éprouvons au plus profond de notre
être votre deuil.
Affronter son passé et reconnaître les sombres pans de
son histoire ne diminue pas un pays. Au contraire. Il est temps que le
gouvernement turc fasse cette démarche.
Oui, les souffrances que les Arméniens et les
Assyro-Chaldéens ont vécues en terre d’Anatolie il y a de cela cent ans,
ces souffrances sont les nôtres. Avec respect, nous nous inclinons
devant leur souvenir.
Fédération Union des Alévis en France
Strasbourg, 24 Avril 2015
Ce texte écrit par Erdal Kiliçkaya au
nom des 37 associations Alévies de France a été lu par Erwan Kerivel,
écrivain et chercheur sur l’Alévisme, au concert du souvenir à Valence
le 25 avril