mardi 27 octobre 2020

Regard de juriste sur le conflit du Haut-Karabakh

 Regard de juriste sur le conflit du Haut-Karabakh 



Depuis la fin de l’Union Soviétique, l’opposition de deux principes du droit international, celui de l’intégrité territoriale des États et celui du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, brandis ad nauseam l’un contre l’autre, ont coûté des dizaines de milliers de morts tant du côté arménien que du côté azerbaïdjanais. On sait hélas que l’un comme l’autre souffrent de nombreuses exceptions de par le monde, tant du fait de l’artificialité de certaines frontières (notamment celles issues du machiavélisme de Staline) que de l’oppression de nombreuses minorités dans les pays qui ignorent la démocratie.

Peut-être la problématique réduite à ces deux termes est-elle mal posée : elle est en tout cas aujourd’hui dépassée. Un dirigeant qui revendique comme sien un territoire endosse automatiquement comme sienne la population qui y vit. C’est donc, si l’on s’en tient à sa rhétorique, contre une partie de sa propre population qu’il utilise les armes les plus sophistiquées – pour certaines, telles les bombes à sous-munitions, interdites par le droit international – pour tuer et détruire vies, infrastructures, habitat. De ce point de vue, chaque frappe en terre karabakhtsie mine la position de son auteur, transformant la guerre en nettoyage ethnique. Quand, de surcroît, on confie à une puissance extérieure – dont à ce jour une trentaine de parlements nationaux dans le monde ont reconnu que l’histoire avait été entachée par un génocide – la direction des opérations et qui fait appel elle-même à des jihadistes professionnels du crime, on voit s’avancer le spectre d’une répétition de l’histoire : Archag Tchobanian avait déjà, en son temps, dénoncé le silence coupable des grandes puissances…

Les arguties juridiques ne sont plus de mise aujourd’hui. Depuis le début des années 90, les Nations Unies ont reconnu l’existence du devoir d’assistance humanitaire. Le Conseil de Sécurité, où siègent les trois pays coprésidents du Groupe de Minsk et auquel il revient de constater l’existence d’une menace contre la paix, d’une rupture de la paix ou d’un acte d’agression, doit décider, sans plus tarder, des mesures nécessaires pour maintenir la paix et la sécurité internationales.

Les problèmes géopolitiques posés par ce conflit dépassent de loin l’étendue des terres montagneuses du Haut-Karabakh, pareille à celle d’un département français. Ils impactent, outre ses acteurs, nombre de pays environnants mais aussi, quoique de façon dérobée, le vivre ensemble pacifique entre chrétiens et musulmans qui tient tant à cœur à notre pays.

 

Henry Cuny
Président d’honneur de l’Institut Tchobanian