Un honteux procès de la presse
tant pour la Turquie que pour l’Europe !
Doğan Özgüden, rédacteur en chef d’Info-Türk, fait ce 9 septembre, à l’occasion du 60e anniversaire du début de sa carrière de journaliste en Turquie, la déclaration suivante :
J’ai commencé le journalisme à l’âge de seize ans, le 9 septembre 1952 à Izmir dans la République de Turquie.
C'était
les premières années du pouvoir du Parti démocrate. Il avait promis une
réelle démocratisation dans le pays. Toutefois, 184 personnalités dont
plusieurs écrivains ou artistes du pays se trouvaient derrière les
barreaux de fer sous l’accusation d’appartenance une organisation
communiste. Un nombre croissant de journalistes et d'écrivains
d'opposition ont suivi.
Les
officiers de l’armée turque ont renversé le pouvoir démocrate le 27 mai
1960 par un coup d’état militaire avec la promesse d’établir un régime
démocratique. Toutefois, ils ont refusé de libérer des intellectuels
kurdes se trouvant dans les geôles. De plus, ils ont déporté plusieurs
personnalités célèbres du peuple kurde, emprisonné notre écrivain
mondialement connu Aziz Nesin et le courageux journaliste Ihsan Ada.
La
cible principale des périodes de coalitions, de coups d’état de 1971 et
1980 ainsi que des coups d’état postmodernes fin du 20è siècle et début
du 21 siècle était toujours des journalistes, écrivains, artistes ainsi
que des défenseurs des droits des travailleurs, du peuple kurde et des
minorités nationales.
Dans
ma carrière de journaliste longue de 60 ans, y compris des années
d’exil, je n’ai connu que la répression, les poursuites, les procès, les
condamnations, l’exil et les menaces de mort.
Les
détails et les preuves de tout ce non-respect de la liberté
d’expression se trouvent dans mes mémoires de mille pages, publiés
récemment en deux volumes sous le titre Le journaliste "apatride".
A
l'occasion de ce 60e anniversaire de ma carrière de journaliste je ne
veux pas parler de mes propres problèmes et combats. Je veux seulement
mettre accent sur l’état déplorable de la liberté d’expression et de
presse dans un pays toujours membre du Conseil de l’Europe, de
l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe et de l’OTAN
et membre candidat à l’Union Européenne.
Dans
trois jours ce sera l’anniversaire d’un des putschs les plus sanglants
du dernier siècle, le coup d’état du 12 septembre 1980. Malgré toute
affirmation de démocratisation, la Constitution de ces putschistes est
toujours en vigueur et les pratiques répressives contre le peuple kurde,
les minorités nationales et confessionnelles se poursuivent avec la
même atrocité.
Si l’on parle des chiffres:
Durant ces 60 années, jamais une centaine de journalistes n'ont été emprisonnés en même temps comme c'est le cas aujourd'hui.
Durant
ces 60 années, jamais des milliers d’hommes ou de femmes
politiques n'ont été emprisonnés en même temps comme c'est le cas
aujourd'hui.
Et demain, le 10 septembre 2012, 44 journalistes seront jugés devant un tribunal turc sous l’accusation de “terroriste”.
-
Le peuple de Turquie: Turcs, Kurdes, Arméniens, Assyriens, Grecs,
Juifs et plus de 50 groupes ethniques, ne le méritent pas.
-
Les peuples européens qui considèrent l’Union européenne comme un
projet de cohabitation des peuples libres dans la paix et la justice
sociale, ne le méritent pas.
Honte
aux dirigeants politiques de Turquie qui se réclament héritiers des 16
“états turcs” fondés pendant des siècles, qui ont l’ambition de voir la
Turquie comme étant le deuxième état le plus puissant après l’Allemagne
dans l’Union européenne, et qui utilisent tous les moyens pour établir
une hégémonie néo-ottomane dans le Moyen-Orient.
Honte
aux dirigeants européens qui poursuivent les marchandages avec la
Turquie en la considérant toujours comme un candidat fiable pour l’Union
européenne, qui se taisent devant la violation permanente de la liberté
d’expression et qui donnent à Ankara n’importe quelle concession pour
pouvoir récupérer les votes des électeurs d’origine turque.
Bruxelles, le 9 septembre 2012
Doğan Özgüden
Rédacteur en chef d’Info-Türk