Turquie, un triste record pour la presse
par Patrick Kamenka, mercredi 9 janvier 2013
Ils sont
soixante-dix. Soixante-dix journalistes turcs et kurdes derrière les
barreaux, détenus sans jugement, en vertu de lois antiterroristes
édictées depuis des décennies et que le gouvernement du premier ministre
Recep Tayyip Erdogan n’a pas abolies. C’est un record dont devraient
rougir les dirigeants, qui veulent donner de la Turquie une image
d’autant plus positive qu’ils aspirent à ce qu’elle rejoigne l’Union
européenne.
Comment expliquer que certains de nos confrères soient embastillés depuis de longs mois, voire depuis plusieurs années ?
La réponse est claire : le Parti de la justice et du développement
(AKP) au pouvoir et les dirigeants turcs ne tolèrent pas que des
journalistes puissent contester le régime, ni mettre en cause la
politique d’Ankara sur la question kurde, ni faire la lumière sur les
affaires de corruption. Il leur faut ainsi briser, réduire au silence,
les sites et les journaux d’opposition.
Pour ce faire, le pouvoir n’hésite pas à utiliser tout l’arsenal de
la répression : arrestations, saisies de matériels et de disques durs,
accusations de connivence avec des organisations terroristes, tel que le
Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). Les journalistes sont alors
enfermés dans des conditions moyenâgeuses.
Face à ces dénis de justice et cette mise en cause de la liberté
d’expression, la solidarité internationale des journalistes, de leurs
organisations syndicales telles que la Fédération internationale des
journalistes et sa branche européenne, ainsi que d’autres organisations
non gouvernementales ont réussi à largement mobiliser.
Certains journalistes ont pu dès lors être libérés. C’est notamment
le cas de Soner Yalçin, qui se trouvait en détention préventive à la
maison d’arrêt d’Istanbul-Silivri depuis vingt-deux mois. Il a recouvré
la liberté le 27 décembre 2012. Il est néanmoins interdit de sortie du
territoire et doit pointer chaque semaine auprès des autorités.
Yalçin pourra désormais reprendre son métier : celui d’informer. Mais
il reste toujours soixante-dix journalistes kurdes et turcs
embastillés.