« Syrie, ça suffit ! »
Les chrétiens payent "l'aveuglement de la politique occidentale"
Annie Laurent
ROME, 16 juillet 2013 (Zenit.org)
- Pour les lecteurs de Zenit, Annie Laurent a mis à jour sa tribune de
Radio Espérance du 26 juin dernier et nous la publions avec l'aimable
autorisation de Radio Espérance (http://www.radio-esperance.fr).
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Les chrétiens de Syrie continuent
de payer cher l’aveuglement et l’obstination de la politique occidentale
dans la crise qui secoue leur malheureux pays depuis mars 2011. Les
violences qui les visent sont étrangères à la lutte contre le régime de
Bachar El-Assad. Leurs auteurs sont surtout des combattants islamistes
étrangers qui arrivent par milliers en Syrie pour pratiquer le djihad,
la guerre sainte, avec le soutien actif du monde sunnite, notamment les
riches monarchies arabes comme l’émirat de Qatar et l’Arabie-Séoudite.
Mais les islamistes armés et
endoctrinés viennent aussi de pays voisins tels que la Turquie, l’Irak,
la Jordanie, l’Egypte et le Liban (au pays du Cèdre s’activent aussi des
groupes sunnites radicaux) ainsi que de contrées plus éloignées, comme
l’Afghanistan, le Pakistan, la Tchétchénie, la Libye, et même l’Europe.
Beaucoup de ces extrémistes agissent sous l’étiquette d’un mouvement
affilié à l’organisation terroriste El Qaïda, en l’occurrence le Jabat
El Nosra, nom qui signifie « le Front des Partisans de la victoire ».
D’autres appartiennent à l’Armée
syrienne libre dont le combat n’est officiellement motivé que par la
chute du président Assad. Or, ils ont à leur actif plusieurs
destructions, profanations et pillages d’églises et de monastères.
Peut-être cherchent-ils ainsi à « punir » les chrétiens pour leur refus
de participer à une rébellion violente.
L’entreprise de ces militants qui
veulent purifier l’espace proche-oriental de toute présence non
islamique est facilitée par la vulnérabilité des chrétiens, ceux-ci
n’étant pas armés et ne bénéficiant d’aucune protection, ni locale ni
internationale. Il faudra faire un jour le bilan des souffrances qu’ils
endurent à cause de leur foi et de leur identité chrétienne. En
attendant, voici un aperçu des dernières agressions dont ils ont été
victimes.
Au début du mois de juin, l’armée
régulière syrienne a repris le contrôle de Qousseir, localité proche de
la frontière libanaise. Cette victoire a permis de constater que les 3
000 chrétiens qui coexistaient auparavant avec les musulmans dans cette
ville de 30 000 habitants ont tous été contraints de quitter leurs
foyers sous la menace des djihadistes, maîtres des lieux depuis plus
d’un an. Ces derniers ont aussi profané et saccagé plusieurs édifices
chrétiens, notamment le monastère grec-orthodoxe Saint-Elie. La plupart
des icônes et des statues de l’église ont été détruites ou mutilées,
signe d’une action planifiée.
Le 19 juin, à Deir Ez-Zor,
important centre urbain du nord-est, des terroristes ont mis le feu à
une église syriaque contre laquelle ils avaient déjà lancé une voiture
piégée. Il ne reste rien du sanctuaire.
Et puis, le dimanche 23 juin, à
Gassanié, ville située sur les rives de l’Oronte, dans le nord-ouest de
la Syrie, un religieux franciscain, François de l’Enfant-Jésus Mourad,
âgé de 49 ans, a été assassiné dans le couvent relevant de la Custodie
de Terre Sainte dont le siège est à Jérusalem. Le Père Mourad s’y était
réfugié après l’attaque à l’arme lourde d’un autre monastère de la même
localité, dédié à saint Siméon le Stylite, monastère qu’il avait
lui-même construit pour le compte de l’Eglise syriaque-catholique dont
il était issu. Comme bien d’autres fidèles d’Eglises orientales, le Père
Mourad était devenu latin en entrant chez les franciscains - jusqu’en
juillet 2012, il allait célébrer la messe dominicale au Carmel d’Alep -
mais il restait attaché à son rite d’origine.
En apprenant la mort du prêtre, Mgr
Jacques Hindo, titulaire de l’archéparchie syriaque-catholique de
Hassaké, dont dépend Gassanié, a déclaré à l’agence Fides : « Toute
l’histoire des chrétiens du Moyen-Orient est marquée et rendue féconde
par le sang des martyrs des nombreuses persécutions. Ces derniers temps,
le Père Mourad m’avait fait parvenir un certain nombre de messages dans
lesquels il se montrait conscient de vivre dans une situation
dangereuse et où il offrait sa vie pour la paix en Syrie et dans le
monde entier ».
Enfin, on est toujours sans la
moindre nouvelle des deux évêques titulaires des sièges métropolitains
grec-orthodoxe et syriaque-orthodoxe d’Alep, Mgr Paul Yazigi et Mgr Jean
Ibrahim, enlevés ensemble le 22 avril dernier. Sur place, l’absence de
revendication et de demande de rançon est perçue comme un mauvais
signe.
Dans un éditorial courageux publié
lundi 24 juin dans la Lettre de l’Aide à l’Eglise en Détresse, le
directeur de cette institution, Marc Fromager, se demande pourquoi la
France s’aligne sur les États-Unis et les pays sunnites en acceptant la
livraison d’armes à la rébellion. Il rappelle que notre pays, « de par
ses liens historiques avec la Syrie et les chrétiens d’Orient, avait une
double responsabilité et donc des devoirs particuliers sur ce
dossier ». Après la Syrie, souligne-t-il, « comment ne pas entrevoir la
dislocation du Liban ? Là aussi, est-ce la disparition des chrétiens que
l’on cherche ? » Je m’associe au cri indigné de Marc Fromager :
« Syrie, ça suffit ! »
* Lire aussi "Vous avez dit : Printemps arabe ?" de Général François CANN, Ed. Sigest, 2013
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