Frappe syrienne du 27 février sur l'envahisseur turc : bilan et conséquences
En début de nuit dernière une frappe
aérienne syrienne a frappé un convoi militaire turc qui venait soutenir les
djihadistes en lutte contre le gouvernement légal de Damas dans la région
d'Idlib. Le bilan est lourd pour la partie turque : 33 morts et 32 blessés
reconnus par les autorités d'Ankara, ce qui veut dire, en clair, plus de 100
morts et de 300 blessés, lorsqu'on connaît la tendance à la forte sous-estimation
des bilans de leurs propres pertes par les autorités militaires et politiques
d'un pays, quel qu'il soit, dans ce genre d'affaire.
Cette frappe sera abondamment traitée
par les politiques et les médias occidentaux avec les habituels commentaires
anti-Bachar el Assad, anti-russe et anti-iranien, ce qui nous changera du
coronavirus.
Cette frappe appelle de ma part les
observations suivantes :
1 – Rappel du
contexte :
Les accords de Sotchi prévoyaient de
faire de la région d'Idlib, territoire syrien, une zone de désescalade. La
Turquie avait pris trois engagements : dissocier les rebelles « modérés » des
terroristes d'Al Qaeda et de Daesh, retirer les armes lourdes de la zone, et
rouvrir à la circulation les autoroutes internationales M4 et M5 de manière à
permettre un retour à une vie plus normale de la population civile syrienne.
Aucun de ces trois engagements n'a été
tenu par les turcs. Après un an de patience, et après avoir subi des agressions
quasi-quotidiennes par les terroristes soutenus et armés par Ankara, les
syriens et les russes ont perdu patience et ont décidé de rétablir eux-mêmes un
environnement plus pacifique et plus « normal » pour les populations civiles.
Ils ont donc entamé des opérations militaires visant à remplir les trois
engagements que la partie turque n'avait pas tenu.
Devant les succès de l'armée syrienne,
les turcs sont venus au secours des terroristes en péril. Ils ont fourni des
armes lourdes, un appui « feu » et ont fini par envahir la zone d'Idlib avec leurs
forces armées et à participer au combat, au mépris de la législation
internationale et des accords de Sotchi.
2 - La frappe
syrienne est donc, dans les logiques onusienne et otanienne, une frappe en
légitime défense. Les forces turques ont envahi un pays souverain, membre
de l'ONU, sans bien sûr, y avoir été invité par le gouvernement légal, seul
représenté à l'ONU. La Syrie n'encoure donc aucune condamnation à l'ONU et
l'article 5 de l'OTAN ne peut, en aucun, cas s'appliquer. La Turquie ne peut
espérer aucun soutien, autre que moral, de l'OTAN, d'autant que la Russie est
présente en Syrie (sur invitation) et y contrôle l'espace aérien.
Erdogan ne doit se faire aucune
illusion. La frappe aérienne a été réalisée avec un feu vert russe. Peut-être
même, la force aérospatiale russe y a-t-elle participé. Cette frappe représente un message très clair
de Poutine à Erdogan : « le soutien turc au terrorisme est inacceptable et
notre patience a des limites ».
Erdogan risque de se retrouver bien
seul à gérer cette affaire, d'autant qu'il s'est également empêtré en Libye.
Poursuivre son appui aux djihadistes d'Idlib sans avoir la maîtrise du ciel
peut s'avérer très risqué pour ses troupes au sol, ainsi qu'on vient de le
voir. S'engager dans une escalade reviendrait à défier la Russie, l'Iran et
l'Irak. Et puis, les occidentaux et l'opposition politique turque, plus
puissante que jamais, ne verraient peut-être pas d'un mauvais œil un changement
de régime en Turquie. L'OTAN, quant à elle, gesticulera peut-être un peu,
bombera le torse, appellera à la retenue, mais ne déclenchera sûrement pas une
troisième guerre mondiale pour les beaux yeux d'Erdogan.
Général (2S) Dominique Delawarde
28/02/2020