mercredi 24 juin 2020

Le jeu dangereux d’Erdogan

Le jeu dangereux d’Erdogan 


Le jeu dangereux d’Erdogan a été déjà joué par Süleyman Demirel il y a 52 ans





Doğan Özgüden
Traduction du turc par E&O
24.06.2020

Tout comme les actes de Recep Tayyip Erdogan qui piétinent aujourd’hui les droits fondamentaux de l’homme et les règles des droits internationaux les plus élémentaires, Suleyman Demirel, le Premier ministre de l’époque, il y a 52 ans, avait dépassé la ligne rouge dans la répression, les complots et les conspirations jetant ainsi les bases du coup d’État fasciste de 1971. Vedat Demircioğlu, étudiant à l’Université technique d’Istanbul, a été assassiné par la police le 30 juillet 1968.

Dans l’article que je publiais dans le journal « Ant », intitulé Les bruits de bottes du fascisme, j’écrivais : 
« Le gouvernement d’AP (Adalet Partisi, [Parti de la Justice] ndlr) a finalement laissé tomber le masque et son vrai visage a émergé avec toute sa répugnance. Il s’agit d’un pouvoir anarchique et tyrannique qui est assez déterminé pour assassiner les enfants de la patrie qui se battent pour l’indépendance de la Turquie et les droits humains de ses citoyens. Il cherche à mettant les masses dans les rues, pour les monter les uns contre les autres avec mille et une provocations pour installer ensuite une terreur sanglante afin de ramener la paix dans le pays. La décision est basée sur deux forces pour mettre en œuvre le plan de destruction sanglante : l’Armée et la Police… Cependant, il n’est pas improbable que cette démarche vers la répression et la terreur dépasse le contrôle du gouvernement d’AP et jette les bases d’un coup d’État fasciste. »[1] 

Tout comme aujourd’hui, les procureurs qu’étaient sous l’ordre et le contrôle du gouvernement, suite à cet article m’ont immédiatement poursuivi m’accusant « de déshonorer la police et les forces de protection de l’État, selon l’article 159 du Code pénal turc ».

Le tribunal pénal n°5 d’Istanbul m’a condamné à un an de prison et 6 mois d’exil à Balikesir lors d’une audience le 20 juin 1969. À l’époque, il y avait 23 affaires déposées contre moi devant les tribunaux civils pour divers articles, et on a demandé une condamnation à une peine allant jusqu’à 46 ans de prison. Depuis lors, le nombre de dossiers déposés contre moi et les amis qui se sont battus avec moi à « Ant », en particulier Inci, accroitra rapidement et les sanctions prescrites arriveront à des centaines d’années.

En outre, en 1967, un autre article dans lequel je dénonçais le projet des États-Unis d’implanter de mines atomiques en Anatolie orientale, a donné lieu, sur ordre du chef d’état-major fasciste de l’époque, le général Cemal Tural, pour une prétendue « trahison à la nation », à un procès instruit par le Tribunal militaire de la Première Armée à Istanbul, demandant 7 ans de prison. Il s’agissait de la première affaire déposée devant un tribunal militaire contre un journaliste avant la déclaration de la loi martiale et le coup d’État du 12 mars.

Dans ce climat de répression préparé par Demirel, d’abord après la résistance des travailleurs du 15 au 16 juin 1970 et ensuite après le putsch du 12 mars 1971 des centaines de journalistes, de scientifiques, d’artistes, de travailleurs et de leaders de la jeunesse seront condamnés à de lourdes peines de prison devant la Cour martiale. Dans les villes comme Istanbul, Ankara et Diyarbakir, Deniz Gezmiş, Yusuf Arslan et Huseyin Inan seraient condamnés à la peine capitale et exécutés.

Suleyman Demirel, qui a préparé ce terrain de répression, soutiendra au Parlement (TBMM) toutes les lois et pratiques imposées par les militaires et aussi votera pour les condamnations à mort des militants.

Après (et malgré) tout cela Suleyman Demirel sera plusieurs fois Premier ministre et même président de la République de Turquie.


[1] Voir l’article original sur https://www.info-turk.be/Yorum83.jpg

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