lundi 11 août 2014

Sanctions russes : l’autopunition européenne

Sanctions russes : l’autopunition européenne

Jusqu'où faudra-t-il démolir nos économies pour complaire à l’hybris expansionniste de "l’hyperclasse euraméricaine" ?



Jean-Michel Vernochet 

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L’Europe – enfin, ce qu’il convient de nommer ainsi –, cette hydre informe et sans tête pensante, a-t-elle décidé de se punir elle-même pour avoir tenté de suborner l’Ukraine, encouragé la crise du Maïdan, l’éviction de Ianoukovitch et l’actuelle guerre civile du Donbass ? La sagesse eût pourtant voulu que l’on s’efforçât de calmer le jeu. Au lieu de ça, après le retour de la Crimée à sa terre d’origine (de grâce, cessons de parler d’annexion), la surenchère verbale et militaire n’a cessé d’aller crescendo. Ainsi les sanctions de niveau trois qui nous font entrer de plain-pied dans la guerre économique. Au demeurant, une arme à terrible double tranchant.
Editions Sigest, 2014.

En visant désormais les secteurs vitaux de l’économie russe, Bruxelles prend à l’évidence des risques non exactement calculés. Car ce qui paraît habile sur le papier peut avoir de curieuses incidences. Ainsi, les économies russe et européenne étant étroitement liées, le COREPER (Comité des représentants permanents de l’Union européenne) évalue les dommages immédiats consécutifs aux sanctions à 23 milliards d’euros pour l’économie russe, et à près de 40 milliards d’euros pour les pays de la zone euro. Est-ce très judicieux en période de stagnation ? Il est vrai que la différence entre les deux ensembles économiques rend incomparables des pertes du simple au double. Il n’empêche !
Prenons quelques chiffes pour mieux comprendre les enjeux et les non-profits à venir. En 2013, 47 % des obligations émises par la Fédération de Russie l’ont été sur les marchés européens, soit 7,5 milliards d’euros. Le volume des ventes d’équipements militaires entre la Russie et l’Union européenne se monte, bon an mal an, à 3,2 milliards d’euros dont 300 millions d’euros d’importations par la Russie. En outre, l’Union européenne exporte pour 4 milliards d’euros de biens à double usage (militaire et civil), notamment électroniques, et aussi pour 150 millions de matériels sensibles à destination des pétroliers. Quant à la guerre agricole, cela peut prêter à rire, mais elle fera assurément des dégâts. Sont prohibés « lait, fromage, oignons d’Ukraine, pêches de Grèce, prunes de Serbie, pommes et choux de Pologne, viande d’Espagne, poulets nord-américains, tous produits qui contiennent des substances nocives ou sont infectés par des bactéries potentiellement dangereuses ou encore ne respectant pas les normes réglementaires », dixit l’Agence de sécurité alimentaire russe.
Autre exemple. Le 6 août, Moscou annonçait ses propres mesures de rétorsion dans le domaine aérien suite aux restrictions imposées à Dobrolet (Добролёт), filiale économique d’Aeroflot (Аэрофлот). Or, en deux jours seulement, les compagnies aériennes américaines et européennes supportent déjà un manque à gagner de quelque 4,5 milliards de dollars, soit les pertes liées à la baisse de leur cotation en Bourse. Si Aeroflot doit renoncer à 300 millions de dollars cette année, Lufthansa doit, elle, s’attendre à la perte d’un milliard de dollars… par trimestre. Les fins stratèges de la guerre économique n’ont, en effet, apparemment pas tenu compte de l’immensité géographique russe, 1/7 des terres émergées… et en conséquence de sa place dans les échanges mondiaux en tant qu’espace de transit. Prudents, les dirigeants russes n’entendent cependant pas interdire en totalité leur espace aérien, mais renouveler au compte-gouttes certaines autorisations temporaires de vol, en particulier pour les charters de passagers et de marchandises.
En dernier lieu, la Chambre de commerce et d’industrie franco-russe indique que 1.200 sociétés françaises sont implantées en Russie et 6.000 autres y exportent… Qu’en sera-t-il dans quelques mois, sachant que les sanctions votées par l’Union européenne réduisent notablement l’accès des investisseurs étrangers aux banques d’État. Cela se chiffrera à n’en pas douter par un supplément de chômeurs, 150.000 dit-on. Alors jusqu’où faudra-t-il démolir nos économies pour complaire à l’hybris expansionniste de « l’hyperclasse euraméricaine » ?

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