Monsieur le Premier Ministre,
Le 2 septembre dernier, avant le débat à
l’Assemblée nationale visant à obtenir un consensus sur une
intervention militaire en Syrie, vous rendiez public un document
déclassifié des services DRM et DGSE, document censé établir la preuve
que l’armée régulière syrienne serait l’utilisatrice des armes chimiques
contre le peuple syrien, le 21 août 2013.
Les lecteurs de ce document ne pouvaient
qu’être frappés par l’absence de fait précis et la médiocrité de son
contenu : après une présentation scolaire laborieuse de l’histoire de
l’armement syrien, l’auteur pense pouvoir deviner l’identité des
criminels de la seule nature des armes… Comme si toutes les utilisateurs
de six coups étaient américains et russes les utilisateurs de
Kalachnikov !
De l’affirmation non étayée que seule
l’armée régulière serait en capacité technique de manipuler de telles
armes, la représentation nationale devait conclure comme un seul homme à
la responsabilité du gouvernement syrien. Pourtant, seuls les
"rebelles" avaient intérêt à fournir le prétexte requis par le président
Obama pour intervenir militairement. Par ailleurs, ce document
occultait la présence d’éléments non syriens parmi les "rebelles", dont
certains étaient armés, formés et épaulés par de nombreux services
étrangers capables de leur fournir la capacité d’utiliser des armes
chimiques, ce qui ruinait le raisonnement précité.
Depuis le renoncement des États-Unis à
l’attaque contre la Syrie, aucun service occidental et anti-syrien n’a
été capable d’apporter la moindre preuve tangible de la responsabilité
du gouvernement syrien dans les drames du 21 août. A l’inverse, nombre
de documents, de témoignages et de faits incontestables tendent à
établir la culpabilité d’éléments de la rébellion.
Sans un salvateur vote à la Chambre des
Communes britannique, suivi d’un accord russo-américain, la France
aurait été entraînée dans une agression militaire aux risques
incalculables, très certainement pour soutenir les utilisateurs des
armes chimiques, sur la seule foi de ce document.
Nous découvrons maintenant que ce
document [1] présenté comme émanant des services secrets français porte
la signature électronique de M. Sacha MANDEL [2] (« smandel ») et semble
bien, en réalité, avoir été concocté par ce conseiller en Communication
du Ministre de la Défense.
L ’introduction précise que « Ce
document est constitué de renseignements déclassifiés issus des sources
propres françaises. Il repose également sur l’analyse technique
approfondie des sources ouvertes réalisée par nos services. » Force est
de constater qu’aucun avis de Commission Consultative du secret de la
défense nationale n’a été publié au Journal Officiel, seule preuve de
déclassification légale de renseignements. [3] La Commission n’a donc
pas été saisie, la procédure [4] n’a donc pas été respectée.
( "le ministre ne peut déclassifier sans avoir préalablement demandé cet avis, même s’il est favorable à la demande."
[5]) L’introduction du document étant mensongère, la question se pose :
ces « renseignements déclassifiés » n’existent t-il que dans
l’imagination d’un communicant du ministère de la Défense ?
De quel droit le gouvernement prétent-il
présenter aux parlementaires des renseignements déclassifiés sans
qu’aucune procédure de dé-classification n’ait existé ? Quelle est la
véritable origine de ces pseudo « renseignements déclassifiés » sur la
base desquels il fallait déclencher de toute urgence un conflit au
conséquences planétaires ?
Pouvez-vous, monsieur le Premier Ministre, désigner le véritable auteur de ce document ?
S’agit-il de M. Sacha MANDEL,
responsable en communication de M. le Drian ou des services de
renseignement, dont la DGSE qui a vu la prise de fonction d’un nouveau
directeur [6] la veille de la parution de ce document ?
S’il s’agit des services officiels,
pourquoi M. Mandel n’a t-il pas démenti ? Et dans ce cas, des sanctions
ont-elles été prises ? Les services ont-ils été appelé à fournir des
renseignements de meilleure qualité, au minimum pour que la France ne se
trouve pas entraînée dans un conflit en se trompant d’adversaire, sur
la base de renseignements erronés ?
Enfin, en prétendant que ce document
essentiel émanait des services DRM et DGSE, qu’il contenait des
« renseignements déclassifiés », le gouvernement a t-il présenté un faux
à la représentation nationale ?
Comité Valmy
28 septembre 2013
Notes
[1] -Document sur le site du Premier Ministre
[2] -Organisation du cabinet du ministre de la Défense
[3] -CODE DE LA DÉFENSE : Commission consultative du secret de la défense nationale
[4] -Rapport de la CCSDN, procédure page 73
[5] -"Secret Défense" sur le site du Secrétariat Général pour l’Administration
[6] -Décret du 22 août 2013 portant
nomination d’un directeur à la direction générale de la sécurité
extérieure – M. BIGOT (Christophe)